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HOTMAN.

eu une souveraine autorité, non-seulement à élire leurs rois, mais aussi à répudier les fils des rois, et élire des étrangers : Et dit sur ce sujet plusieurs choses, louant les peuples qui brident la licence de leurs rois, et les mènent à la raison. Il se jette, après plusieurs discours, contre la régence des reines mères des rois : Ce qu’il faisait à cause que la reine-mère avait été déclarée régente, en attendant le retour du roi de Pologne son fils : bref il s’escrima des histoires anciennes, à droit et à revers selon sa passion. Ce livre fut agréable à quelques réformés et à quelques catholiques unis, lesquels n’aspiraient qu’à la nouveauté, et non pas à tous. D’Aubigné[1] donne le même plan de ce livre ; mais il le fait paraître en 1573, du vivant de Charles IX. M. de Thou[2] et M. de Mézerai[3], qui en donnent le même plan, le placent, celui-là simplement sous le règne de Charles IX, celui-ci avant le départ du roi de Pologne. Cela renverse l’hypothèse de Cayet, savoir que la régence conférée à la reine Catherine, au temps de la mort de Charles IX, fut un des griefs de François Hotman. Il est sûr que son ouvrage fut imprimé avant que la reine eût été déclarée régente par l’édit du 30 de mai 1574 : mais il prévoyait peut-être qu’elle le serait, et en tout cas il y a bien de l’apparence qu’il songeait à elle, dans ce qu’il disait contre la régence féminine. Il se souvenait des maux que cette princesse avait causés pendant sa première régence. Cet habile jurisconsulte, qui avait renoncé à une charge de conseiller au parlement de Paris pour sa religion, aurait mieux fait de répondre sérieusement et modestement à ses adversaires[4], que de se servir du style macaronique. Voyez ce qu’en dit M. Baillet dans l’article 192 de ses Anti.

(K) Il fut bien payé de son Brutum fulmen. ] Commençons notre commentaire par ces paroles de l’auteur de sa vie. His meritis præmium deberi cùm intelligeret Henricus tum Navarræ rex, ultro codicillos ad eum misit senatoriæ in consistorio suo dignitatis : cujus tamen cum fructum non tulit, quem beneficus princeps voluerat : ac opinor in tantis rerum omnium angustiis factum, ut ex annuo quod debebatur salario, vix ad eum quidquam, sicut audio, pervenerit[5]. Bongars, à qui Nevelet adresse la Vie d’Hotman, a fait une réflexion sur ce passage. «[6] Il y a un autre traict. Aprés avoir dit, que le roi lui avoit, sur le Brutum fulmen, donné un estat de conseiller d’état, cujus tamen eum fructum non tulit quem beneficus princeps voluerat[7]. Je vous assure, monsieur, que le roy n’achepta jamais livre si cher que cestui là : il a esté payé beaucoup par dessus son prix. On me dire, que je devois dire mon advis sur ces traicts de meilleure heure : mais il advient souvent, (et à moy plus que trop souvent) que nous ne nous avisons qu’aprés le coup. J’escris à M. Hottoman ce qu’il me semble du premier[8], je ne lui touche pas le second, il s’en pourroit offenser, ignorant comme le faict s’est passé. » Notez que Nevelet ne parle pas là du Brutum fulmen, comme le suppose Bongars, mais de l’ouvrage contre Zampini de Successione inter patruum et fratris filium.

(L) M. Moréri n’a pas fait beaucoup de fautes. ] 1o. Il suppose faussement qu’Hotman fut sauvé par ses écoliers à Bourges, en un autre temps qu’au massacre de la Saint-Barthélemi, c’est-à-dire que d’un seul événement il en a fait deux. 2o. L’année de la mort n’est pas bien marquée ; il fallait mettre 1590, et non pas 1591. Et 3o. il ne fallait pas imputer cette méprise à M. de Sponde en le

  1. Histoire universelle, tom. II, p. 670. Simler, Epit. de la Bibliothéque de Gesner, met l’impression de la Franco-Gallia, en 1573, et il a raison. Ce livre fut imprimé à Genève, chez Jacobus Stoërius, l’an 1573. L’épître dédicatoire à l’électeur palatin, est datée du 21 d’août 1573.
  2. Thuan., Histor., lib. LVII.
  3. Histoire de France, tom. III, in-folio, pag. 293.
  4. Antoine Matharel et Papyre Masson.
  5. Nevel., in Vitâ Hottomanni, pag. 225.
  6. Lettres de Bongars, pag. 651, édition de la Haye, 1695.
  7. Ces paroles sont pleines de fautes dans l’édition des Lettres de Bongars que je cite ; je les rapporte comme elles doivent être.
  8. C’est-à-dire, de ce qui concerne la Franco-Gallia. Voyez ci-dessus les paroles de Bongars, remarque (E), citation (22).