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HENRI II.

Galliæ nostræ regem obiisse anno ætatis quadragesimo completo, ex oculari vulnere. En autem de eo Gaurici vaticinium in prognostico anni MDLVI. Quoniam in sui natalis penè divini schemate habuit solem sub gradibus suæ altitudinis veneri ferè partiliter alligatum ; quin et lunam atque venerem sub arietis asterismo, per horoscopum progredienteis ; vivet fœlicissimus annos LXX, deductis duobus mensibus ; si nutu divino superaverit annos insalubreis LXIII, LXIV, et semper vivet in terris pientissimus. Paria sunt quæ idem Gauricus anteà ediderat, quæque à Sixto [1] referantur. En et vaticinium Cardani, cùm de eodem Henrico loquens, erit certè, inquit, senecta tantò felicior quantò etiam plura fuerit expertus, etc. Cette matière est si importante, qu’elle mérite que j’allégue un second témoin : ce n’est pas un homme qui se fonde sur un ouï-dire ; il rapporte ce qu’il a lu dans les écrits même de Gauric ; il y a vu les prédictions les plus heureuses que l’on pouvait souhaiter à Henri II. Et memini in Italiâ quasdam Ephemerides annuas Lucæ Gaurici vidisse, in quibus cùm pro libertate scribendi quæ tunc vigebat, singulis principibus Europæis maximas felicitates, aut gravissima damna minaretur, nihil posteà perindè cecidit, ac ipse futurum prædixerat : Atque utinam Henricus secundus, quem ille extremâ tantùm senectute, et morbo placidissimo fatis concessurum dixerat, non ætate potiùs florenti, et tam acerbo præcipitique fato nobis ereptus fuisset [2].

(X) Les variations... suffiraient seules à faire douter que les astrologues l’aient faite. ] Voyons le narré d’Étienne Pasquier : on n’y trouve pas même le nom de Gauric : tout roule sur d’autres gens, et sur d’autres circonstances. Aussi semble-il que long-temps auparavant..... ce malheur eust esté taisiblement prognostiqué au roi par Hierosme Cardan, lequel, en un projet qu’il dressa de sa nativité, lui promettoit toutes choses aisées sur l’advenement de son régne, mais l’asseuroit au déclin de sa vie d’une fin assez fascheuse, et telle que pour la grandeur d’un roy il se commande un silence. Aussi a couru un bruit en cour qu’au retour du dernier voyage d’Italie de monsieur le cardinal de Lorraine, luy avoyent esté présentées unes lettres de la part d’un juif de Rome, grandement expert et nourry en ces fantasques presciences et divinations, qui l’admonnestoyent soigneusement de se garder d’un combat d’homme à homme. Desquelles missives, comme illusoires, le roy après en avoir ouy la lecture n’en feit compte, ne se pouvant imaginer, veu le grand rang qu’il tenoit, d’entrer jamais en un duel. Ces lettres furent deslors serrées par monsieur de l’Aubespine, qui depuis la mort de luy les a exhibées à plusieurs seigneurs, comme l’on dict. Et de faict l’on adjouste (je ne veux pas l’asseurer pour vray) que la royne memorative de ces lettres, et du temps qui luy avoit esté designé, le supplia par plusieurs fois, que puis que les deux jours precedens s’estoyent passez à son honneur et contentement, il voulust ce 3 jour se deporter de la jouste pour eviter à tout inconvenient, et y commettre en son lieu quelque autre seigneur. À quoy toutesfois il ne voulust condescendre. Et comme le jour mesme qu’il fust blecé, la royne luy eust envoyé de sa loge gentilhomme exprès pour le prier de sa part de se contenter de ce qu’il avoit faict, il luy feit responce qu’il ne courroit plus que ceste fois là, dont le desastre voulust qu’il fut blecé [3]. Remarquez bien que Pasquier ne conte ces choses que sur un ouï-dire fort vague, dont il n’est point lui-même persuadé. Mais prenez encore mieux garde que l’on ne dit point que Cardan ait mis au jour ce prétendu horoscope après la mort de Henri II. Il était pourtant assez vain, assez entêté d’astrologie [4], pour se vouloir faire honneur d’une découverte si surprenante. Rien ne pouvait ennoblir son art autant que cela : il pouvait prendre à témoin le con-

  1. Il parle de Sixtus ab Hemmingâ, qui a montré par l’exemple de trente horoscopes célèbres, que l’événement les a démentis.
  2. Nandæus, in Judicio de Cardano.
  3. Pasquier, Lettres, liv. IV, tom. I, pag. 175.
  4. Confer quæ supra remarque (E) de l’article Cardan, tom. IV, pag. 442.