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LIPSE.

ignorare : sed quisquis ille fuerit, patriæ fuit amantissimus, et Lipsii fraudium callentissimus…… Nescio an cui Lipsiana tantoperè placent, et qui versibus delectari videris, libenter lecturus sis eos quos anno 1579 præfixit ad Zeandos libro adversùs tenebrionem quendam. Editi fuerunt tum Leydæ apud Andream Schoutenum, et quo animo fuerit, aut esse finxerit, indicant. Audi illum,

Duplicia Hesperii rupistis vincla tyranni,
Mattiaci : atque armis asseritis patriam :
Asseritisque fidem, patriam sed turbat Iberus.
Ecce iterùm, ecce fidem turbat hic ardelio.
Verùm alii patriam : sed tu, Feugræe, tueri
Perge fidem, et fidei qui faciunt tenebras
Scriptis illucere tuis ; sunt vera ministri
Hæc munia, ingenio digne tuo et genio.

Vides quo loco tum fuerit apud Lipsium Hispaniæ rex, quo romana fides et religio : qui posteà factus est religionis transfuga, infide et constantiam ἀλλοπρόσαλλος, ut loquitur Montacutus[1]. Ces vers de Lipse déshonorent sa mémoire, quand on les compare avec l’aveu qu’il a fait, qu’il n’était à Leyde protestant qu’en apparence, et que son cœur était catholique. Voici cet aveu : Sed altera calumnia, in religione mutavi. Nego, in sede vestrâ, non in sensu fui, et ut in peregrinatione corporis non animi requiem illic elegi. In tempore, ut meum ingenium est, quietè modestèque me habui : an in sacra aut ritus vestros transivi ? nec impudentia hoc dicet[2]. Il avait beau faire et beau dire ; lui et tous ses apologistes étaient incapables d’éluder les preuves qu’on alléguait pour faire voir que son style avait répondu à sa profession extérieure, pendant qu’il avait paru protestant. L’auteur de l’Idolum Hallense prouve que Lipse ayant protesté à Iène devant Tilemannus Héshusius, qui était alors[3] recteur de l’académie, qu’il embrassait sincèrement la religion luthérienne, communia publiquement[4], et que dans une oraison funèbre qui fut imprimée, il déclara que Dieu avait donné à son église la maison de Saxe, pour ruiner la peste de la papauté. De bello Smalcaldico locutus causæ bonitatem à Saxone, fortunam et martem ab imperatore stetisse dicet, et…… Saxonicam generosam stirpem ad Dei hostes extirpandos, errores evertendos, pestem pontificiam excindendam donatam divinitùs et concessam Ecclesiæ esse[5]. On avoue qu’il ne communia point à Leyde ; mais on prouve[6] par plusieurs extraits de ses lettres, que pendant qu’il y séjourna il regardait la cause des Espagnols comme le mauvais parti, dont il souhaitait la ruine, et qu’il lui échappait plusieurs expressions qui sentaient le protestant[7].

Voici des circonstances plus précises de son démêlé avec Théodore Koornhert. Dès que son Traité de politique, où il approuvait les persécutions de religion, eut paru, l’an 1589, Koornhert, grand zélateur de la tolérance, lui écrivit son sentiment sur ce livre-là, et ne laissa point sans réplique les réponses qu’il reçut ; et enfin il publia un ouvrage sous le titre de Processus contra hæreticidium et coactionem conscientiarum. Il le dédia aux magistrats de Leyde, et en envoya des exemplaires aux magistrats des autres villes, et les exhorta à se donner bien de garde des sentimens de cet écrivain. La publication de cet ouvrage chagrina Lipse ; mais comme il était un grand ornement de l’académie de Leyde, il obtint des magistrats un acte de complaisance qui pouvait le consoler. Ils publièrent à la maison de ville qu’ils n’admettaient point l’épître dédicatoire de Koornhert, et que cet auteur, en leur dédiant son livre, ne leur avait fait ni service, ni honneur, ni amitié : qu’ils n’interdisaient pas pourtant son ouvrage ; qu’ils en permettaient la lecture aux habitans ; mais qu’ils les exhortaient aussi de lire l’excellente réponse de

  1. Rivet peu auparavant avait dit : Vide si placet expostulationem Richardi Montacutii cum tuo Rosweido, in Antidiatribis : ibi Lipsii habebis latinitatem et eruditionem expensam, et de eâ judicium quod tibi non arridebit.
  2. Lipsius, in Rejectiunculâ, ad calcem Virginis Aspricollis.
  3. C’est-à-dire, vers la fête de saint-Michel 1572.
  4. Eamque professionem sacræ cœnæ ibidem usu et communicatione publicè obsignavit. Dissert. de Idolo Hallensi, pag. 17.
  5. Dissert. de Idolo Hallensi, pag. 16.
  6. Ibidem, pag. 22 et seq.
  7. Ibidem, pag. 17, 18.