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MAHOMET.

en abondance dans ce livre. Car à mesure que les affaires et les desseins de l’imposteur variaient, il se trouvait aussi obligé de faire varier ses prétendues révélations, ce qui est si bien connu parmi ceux de sa secte, qu’ils confessent tous que cela est vrai ; c’est pourquoi là où ces contradictions sont telles qu’ils ne peuvent pas les sauver, ils veulent qu’on révoque un de ces endroits qui se contredisent. Et ils comptent, dans tout l’Alcoran, plus[* 1] de 150 versets ainsi révoqués, ce qui est le meilleur expédient qu’ils puissent prendre pour en sauver les contradictions, et les incompatibilités. Mais en cela ils découvrent extrêmement la légèreté et l’inconstance de celui qui en était l’auteur. » Cette preuve d’imposture a beaucoup de force : j’en ai déjà parlé ci-dessus[1] ; mais je dois ajouter ici qu’on lui donnerait trop d’étendue, si l’on s’en voulait servir sans exception contre tous les explicateurs de l’Apocalypse, qui changent leurs hypothèses à proportion que les affaires générales prennent un train différent [2]. Il se peut faire quelquefois qu’il n’y ait que du fanatisme dans l’inconstance de ces gens-là, et que n’étant point capables de s’apercevoir du mauvais état de leur tête, ils n’aient pas moins de bonne foi lorsqu’ils varient, que s’ils ne varient pas. Employons donc une distinction : disons seulement que ceux qui changent leur système apocalyptique selon les nouvelles de la gazette, et toujours conformément au but général de leurs écrits, débitent des faussetés, ou sans le savoir, ou le sachant bien. Leur conduite est très-souvent une imposture, mais non pas toujours.

(OO) Il était jaloux au souverain point, et il ne laissa pas de prendre patience par rapport aux galanteries de celle de ses épouses qui lui était la plus chère. ] « Comme il s’était rendu brutalement esclave de l’amour des femmes, il était aussi extrêmement jaloux de celles qu’il avait épousées. Ainsi pour les détourner de ce qu’il craignait[* 2], il les menaçait d’un châtiment une fois plus grand que celui des autres femmes, tant dans ce monde que dans celui qui est à venir, supposé qu’elles lui fussent infidèles. Et lorsque quelques-uns de ses sectateurs fréquentaient trop sa maison, et y conversaient avec quelques-unes de ses femmes, il en était si fâché que, pour empêcher que cela n’arrivât plus, il fit paraître comme de la part de Dieu, ces versets de l’Alcoran[* 3], où il leur dit qu’ils ne devaient pas entrer dans la maison du prophète sans permission, et que s’ils étaient invités à dîner chez lui, ils devaient en sortir immédiatement après le repas, sans entrer en conversation avec ses femmes ; que quoique le prophète eût honte de leur dire de s’en aller, cependant Dieu n’avait pas honte de leur dire la vérité. Et dans le même chapitre il défend à ses femmes de parler à aucun homme, à moins qu’elles n’aient le visage couvert d’un voile. Enfin il porta cette jalousie jusqu’au delà du tombeau. Car ne pouvant souffrir qu’aucun autre eût affaire avec ses femmes, quoiqu’après sa mort[* 4], il défendit sévèrement à tous ses sectateurs d’aller jamais vers elles tant qu’elles vivraient. De sorte que quoique toutes les autres femmes répudiées ou devenues veuves eussent la liberté de se remarier, cependant toutes ses femmes se trouvaient exclues de ce privilége. C’est pourquoi toutes celles qu’il laissa en mourant[* 5] restèrent toujours veuves, quoiqu’il y en eût de bien jeunes, comme particulièrement Ayesha, qui n’avait pas alors tout-à-fait vingt ans, et qui vécut encore plus de quarante-huit ans après : ce qu’on regardait dans ce pays chaud, comme une contrainte où elles se trouvaient sévèrement réduites[3]. »

  1. (*) Johannes Andreas Guadagnol., tract. 2, c. 7, sect. 3.
  2. (*) Alcoran, c. 33.
  3. (*) Alcoran, c. 33.
  4. (*) Alcoran, c. 33.
  5. (*) Johannes Andreas, c. 7.
  1. Dans la remarque (T).
  2. Voyez la Cabale Chimérique, à la page 89 de la seconde édition.
  3. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 153 et seq.