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MALDONAT.

remarqué, ce fut après la Saint-Barthélemi que Maldonat et du Rosier furent envoyés à Metz. L’on [1] crut à la cour de France que du Rosier, ayant changé de religion, et contribué beaucoup à l’abjuration du roi de Navarre, de la princesse Catherine, du prince de Condé, de la femme et de la belle-mère de ce prince, serait un bon instrument de conversion à Metz ; et c’est pourquoi on l’y envoya avec Maldonat. Le duc de Montpensier les pria d’aller à Sedan, afin qu’ils désabusassent la duchesse de Bouillon sa fille, qui était fort bonne huguenote [2].

(E) Non-seulement on l’accusa d’hérésie, mais aussi d’avoir volé une succession. ] Citons Alegambe. Alienissimo sanè tempore, ab hostibus variis calumniis appetitus est : nam et præsidem Montibrunensem S. Andreæ moribundum circumvenisse, et posteros ejus fortunis evertisse, illi persuadendo ut sua omnia societati legaret, dicebatur, seductor simul et prædo nuncupatus ; et à nonnullis Lutetiæ, zelo præpostero, hæresis est accersitus ; verùm ab hâc eum injuriâ vindicavit summi pontificis Gregorii XIII auctoritate Petrus Gondius Parisiensis Antistes : ab illâ verò publico senatus consulto liberatus est. Verùm quamvis sic ejus innocentia publicè satis testata foret, satiùs tamen fore putavit, si paucorum æmulationi, præsertim ingravescente ætate viribusque labefactis, cederet, lucemque illam hominum fugeret [3].

Antoine Arnauld, plaidant contre les jésuites l’an 1594, suppose que Maldonat était effectivement coupable d’avoir séduit le président de Saint-André, et que le parlement de Paris ne l’en avait point absous. Rien n’en sort, dit-il [4], tout y entre, et ab intestat, et par les testamens qu’ils captent chaque jour, mettant d’un côté l’effroi de l’enfer en ses esprits proches de la mort, et de l’autre leur proposant le paradis ouvert à ceux qui donnent à la société de Jésus : comme fit Maldonat au président de Montbrun Saint-André, tirant de lui tous ses meubles et acquêts par une confession pleine d’avarice et d’imposture, de laquelle M. de Pibrac appela comme d’abus en pleine audience. Je ne sais point ce que le jésuite Richeome répondit sur cet article ; car je n’ai point l’Apologie qu’il publia sous le nom de François de la Montagne [* 1] contre le plaidoyer d’Antoine Arnauld.

(F) Pierre de Gondi..……… le justifia d’hérésie. ] Les bibliothécaires des jésuites n’ont point dit de quelle hérésie il fut accusé ; mais en voici un petit détail que M. Simon me fournit. « Il était difficile qu’un homme de ce mérite, et qui faisait profession de dire librement ses sentimens, sans s’arrêter aux préjugés des autres, plût à tout le monde. Quelques faux zélés l’accusèrent d’avoir enseigné des hérésies. Leurs accusations allèrent si loin, qu’ayant été portées à Rome, le pape Grégoire XIII les renvoya à l’évêque de Paris, pour être examinées sur les lieux. Les faits de l’accusation consistaient en ce qu’il avait enseigné, contre le sentiment de la faculté de théologie de Paris, qu’il n’était point de foi que la Sainte Vierge eût été conçue sauf péché originel. Les docteurs poursuivirent cette affaire avec tant de chaleur, que Maldonat, qui rendait de si bons services à la religion et à l’état, fut obligé de comparaître au tribunal de l’évêque, où il fut absous. Ses confrères jugèrent à propos de faire imprimer la sentence de son absolution à la tête de son Commentaire, de la manière qu’elle avait été publiée. Elle ne se trouve cependant que dans les premières éditions, c’est-à-dire dans celle de Pont-à-Mousson qui parut en 1596, et dans les autres jusques à 1615, auquel temps les jésuites retouchèrent ce Commentaire dans une édition de Lyon : et je vois qu’on a suivi presque toujours dans la suite cette édition réformée, d’où l’on a ôté la sentence d’absolution que je rapporterai ici

  1. (*) Des Montagnes est le nom que prend le jésuite Richeome dans son livre de la Vérité défendue, etc. Voyez les Notes sur la Confession de Sanci, édit. de 1699, pag. 415. Rem. crit.
  1. Thuau., lib. LIII, pag. 1088, ad ann. 1572. Voyez aussi Théodore de Bèze, Histoire ecclés., liv. XVI, pag. 475.
  2. Thuan., ibidem.
  3. Alegambe, pag. 255, et Sotuel, p. 574.
  4. Arnauld, Plaidoyer contre les jésuites, pag. 37.