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MALDONAT.

entière, comme je l’ai lue dans l’édition de Pont-à-Mousson [1]. » M. Simon, ayant rapporté toute la sentence [2], ajoute qu’encore qu’elle fût bien favorable, Maldonat jugea qu’il était plus à propos d’abandonner entièrement ses leçons de théologie, que de donner occasion à ses ennemis de lui susciter de nouvelles affaires. Il se retira à Bourges, pour y étudier en repos dans le collége de la société [3].

Rapportons ici quelques extraits des registres de la faculté de théologie de Paris. Jean Maldonat faisait des leçons sur le maître des sentences au collége de Clermont, l’an 1574, et disputait ardemment sur la conception immaculée de la Sainte Vierge, contre la faculté de théologie, qui faisait jurer à ses suppôts qu’ils croiraient comme un article de foi cette conception. Le recteur de l’université de Paris convoqua les quatre facultés ; et d’un commun consentement elles résolurent de se plaindre de ce jésuite à Pierre de Gondi, évêque de Paris. La faculté de théologie s’étant assemblée, tous les docteurs, hormis huit ou neuf, déclarèrent formellement qu’ils tenaient comme un article de foi que la Sainte Vierge avait été conçue sans péché originel. De là vint que l’évêque de Paris publia une censure contre le recteur, et contre les principaux membres de l’université ; mais voyant que son procédé excitait beaucoup de tumultes, il changea d’avis, et lança une excommunication sur le doyen, et sur le syndic de la faculté de théologie. Les quatre facultés en appelèrent comme d’abus au parlement, qui désapprouva la conduite de l’évêque. Vous trouverez ceci en latin dans un livre de M. Joly [4] [* 1]. Vous y trouverez aussi [5] ce que je vais copier. « Cinq mois et un jour après la sentence de M. l’évêque de Paris, par laquelle Maldonat fut renvoyé de l’accusation d’hérésie à lui imposée, au sujet de la conception ; et après que le recteur et ses principaux suppôts, le doyen et syndic de la faculté furent excommuniés, pour avoir contrevenu au décret du concile de Trente, rapporté ci-devant, toutes les facultés, le 18 juin 1575, déclarèrent que M. l’évêque de Paris m’avait point la puissance d’excommunier ni le recteur, ni les personnes principales de l’université, et condamnèrent en outre les paroles de Maldonat d’hérésie. Voici les paroles tirés des registres de la nation de France. Rursùs 18 ejusdem mensis junii eædem facultates fuerunt convocatæ super anathemate episcopi Parisiensis, qui quoniam dominus Tissart rector proposuerat omnibus facultatibus dictos articulos Maldonati cum et cæteri academiæ.......... percussit, declaratum est et conclusum episcopum Parisiensem non posse ferire anathemate neque rectorem, neque cæteros academiæ proceres, eâdemque congregatione fuit condemnata opinio Maldonati tanquam hæretica. » Ceux qui connaissent l’état présent de la controverse de l’immaculée conception, admirent sans doute qu’un jésuite ait été persécuté par la Sorbonne pour un tel sujet.

(G) Il fit un songe que l’événement confirma. ] Il crut voir un homme pendant quelques nuits, qui l’exhortait à continuer vigoureusement son Commentaire, et qui assurait qu’il l’achèverait, mais qu’il ne survivrait guère à la conclusion. En disant cela cet homme marquait un certain endroit du ventre, qui fut le même où Maldonat sentit les vives douleurs dont il mourut. Cùm autem instituisset primùm in quatuor Evangelia Commentarios scribere, per aliquot noctes visus est sibi videre quendam, qui ut strennè, cœptunt opus prosequeretur, exhortabatur, fore enim ut illud ex sententiâ perficeret : sed operi parùm diù supervicturum ; atque hæc cùm diceret, intento digito certam aliquam ventris partem illi

  1. * Leclerc observe que le livre des Prescriptions, etc. est de Launoy et non de Joly. Joly n’a pas copié cette juste remarque. Lui répugnait-il d’ôter à son homonyme un livre qu’il n’avait pas fait ?
  1. Simon, Histoire critique des Commentateurs du Nouveau Testament, chap. XLII, pag. 620.
  2. Elle est datée du 17 de janvier 1575.
  3. Simon, Histoire critique des Commentateurs du Nouveau Testament, chap. XLII, pag. 621.
  4. Intitulé : Prescription touchant la Conception de N. D., et imprimé l’an 1676. Voyez-y la page 19 et suiv., et la 89e. et suiv.
  5. À la page 95 et 96.