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MALDONAT.

nées, il lui en donnât. On reprochait aux jésuites qu’ils mettaient de jeunes gens pour enseigner les basses classes [1]. Richeome répond [2] que Jean Maldonat commença à lire la philosophie l’an 1564, âgé de vingt-sept ans. C’est une erreur : il fallait dire âgé de trente ans, et par-là, dira-t-on, la réponse eût été meilleure. Il le semble d’abord : mais quand on y regarde de près, on trouve que le mensonge de Richeome fait du bien à sa cause ; car son but était de prouver qu’un homme, pour être jeune, ne laisse pas d’être propre à bien enseigner. Maldonat, dont les leçons furent admirées, en est un exemple. Or plus vous le ferez jeune, plus vous donnerez de poids à cet exemple. Ainsi Richeome ne se trompait pas à son dam.

J’ai dit ailleurs [3], qu’il est difficile de bien abréger un livre : disons ici qu’il est malaisé d’y bien faire des additions. Il y a telle addition qui demande que l’on corrige vingt endroits. La patience seule ne rend pas toujours capable de faire ces changemens : il faut de plus s’apercevoir des rapports les plus imperceptibles, et s’en souvenir long-temps, et toutes les fois que cela est nécessaire. Un auteur qui augmente son propre ouvrage n’a pas toujours ces qualités ; mais pour l’ordinaire il s’acquitte mieux des corrections que les endroits ajoutés demandent, que ne fait un homme qui augmente le travail d’autrui. On doit excuser sa faute, quand l’addition est fort éloignée du lieu qui doit être corrigé. Sotuel n’est point dans le cas à l’égard de ce qu’on va censurer ; car son addition ne précède que de peu de lignes les paroles d’Alegambe, qui devaient être corrigées. Alegambe a dit que Maldonat était mort au commencement de sa cinquantième année, le 5 janvier 1583 [4]. S’il ne l’a pas pu dire sans s’exposer à débiter un mensonge, il a pu du moins le dire sans se réfuter soi-même, puisqu’il n’a marqué quoique ce soit touchant l’année de la naissance. Sotuel, son continuateur, a inséré quelques additions de Maldonat ; une entre autres qui nous apprend que ce jésuite naquit l’an 1534. Dès lors les paroles d’Alegambe que j’ai rapportées sont fausses ; et néanmoins : Sotuel n’y a rien changé ; il les a donc rapportées, et par conséquent il est coupable de contradiction, ou de faux calcul.

(K) Quelques protestans….. se plaignent des emportemens de sa plume. Quelques autres en parlent avec le dernier mépris. ] Citons Casaubon [5]. Quùm ubique virulentus hic scriptor in magnos viros pro suâ modestiâ, pari petulantiâ debacchetur ; nusquàm tamen maledicæ suæ laxiores habenas indulsit, quàm in hâc disputatione : hæreticos tertio quoque verbo nominans illos, qui eandem cum Augustino et aliis sententiam tuentes Petram exponunt de Christo : cujus majestatem defendere : hodie est hæresin committere [6]... Omnium accuratissimè (quòd equidem sciam) ejusmodi argumenta congessit in hunc locum Maldonotus, acris et magni ingenii vir ; si affectibus, si linguæ, si odio veritatis, potuisset moderam. Il y a là, et des choses obligeantes, et des choses offensantes ; mais Scaliger ne garde pas ce tempérament, il ne parle de ce jésuite qu’en mal : s’il lui accorde l’avantage d’avoir débité de bonnes choses, il lui en ôte toute la gloire ; car il l’accuse de les avoir dérobées. Maldonatus in evangelia maledicus, insignia tamen quædam habet bona. Ayant tout pris de M. de Bèze il en médit. Quandò aliquid habet boni furatur à Calvino, et ut agnoscus, maledicit ci, ut Eusebius ex Africano conatur furta sua tegere [7]. Il s’était servi du mot lion pour le désigner ; mais il le nia quand il vit que l’on en tirait avantage. Il faut croire qu’il ne se souvenait pas d’avoir employé ce terme, et qu’il ne prétendit point, quand il s’en servit, qu’il demeurât rien d’obligeant dans son allusion. Quoi qu’il en soit, voici mes preuves. [8] Pag. 313. Insultos

  1. Richeome, Plainte apologétique, pag. 32.
  2. La même, pag. 33.
  3. Tom. I, pag. 147, à la remarque (C) de l’article Achille, et à la fin de la remarque (A) de l’article Artaxata, tom. II, pag. 463.
  4. Mortuus in lectulo inventus ætatis vixdùm anno l, salutis verò mdlxxxiii, ineunte pervigilio epiphaniarum. Alegambe, pag. 256.
  5. Casaubon., in Baronium, exercitat. XV, num. 12, pag. m. 347, col. 1.
  6. Idem, ibidem, col. 2.
  7. Scaligérana, pag. 148.
  8. Oporinus Grubinius, in Amphotidibus Scioppanis, pag. 254.