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MARINELLA.

de maréchal, ou le cordon bleu, ou un gouvernement de place, outre, je ne dirai pas des lettres d’abolition, mais des lettres où l’on déclare que l’on est persuadé que ce qu’ils ont fait a été pour le service du roi. Ni le prince qui parle, ni le secrétaire d’état qui dresse l’écrit, ni le chancelier qui le scelle, n’en croient rien : cependant la nécessité des temps les force à s’exprimer de cette façon. Mais personne ne prend cela au pied de la lettre ; on continue de dire ou de penser que ces gens-là ont porté les armes contre le service du roi, et ont été de francs rebelles. Le reste passe pour des complimens sous le grand sceau, et pour des mensonges de chancellerie.

Ce que font les rois dans leurs édits et dans leurs déclarations se fait aussi quelquefois dans un parlement, ou par leur ordre, ou à leur recommandation, ou sans qu’ils s’en mêlent. Je veux dire qu’on y rétablit la mémoire des personnes, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, dans la vue que cela serve aux parens à telle fin que de raison ; mais les juges qui ont condamné ne se tiennent point pour flétris, et ne sont pas considérés comme punissables, à moins que l’arrêt de rétablissement ne soit fondé sur la révision des pièces, et n’ordonne que le procès soit fait et parfait incessamment à ces juges-là ou aux témoins. Je ne pense pas qu’il y ait personne qui ose dire que le parlement de Paris ait rien ordonné de semblable contre M. de Châteauneuf, ni contre ses assesseurs, ni contre cette multitude de témoins qu’ils examinèrent et qu’ils récolèrent. Si M. Moréri avait cité quelques auteurs, il m’aurait bien soulagé, et m’aurait peut-être mis en état d’apprendre que tout ce que je viens d’observer est inutile. Voyez la note[1]. Il faut avouer que, dans les matières historiques, ceux qui citent bien et beaucoup abrégent extrêmement le chemin de l’instruction.

  1. Balzac, dans la XIIIe. lettre du Ier. livre à M. Conrart, datée du 30 avril 1650, fait mention d’une lettre qu’il avait écrite à un gentilhomme de Languedoc, dans laquelle, dit-il, j’ai parlé de la révision du procès de M. le maréchal de Marillac, bien que personne n’y soit nommé. J’avoue que je ne sais pas ce qu’il entend par cette révision-là. Il me manque une infinité de livres et de mémoires dont j’aurais besoin.

MARINELLA, ou MARINELLI (Lucrèce), dame vénitienne qui avait beaucoup d’esprit, et qui publia entre autres livres (A) un ouvrage intitulé : La Nobilità e l’Excellenza delle Donne, con Diffetti e Mancamenti de gli Huomini[a]. Elle portait les prétentions de son sexe, non-seulement à l’égalité, comme quelques auteurs ont fait (B), mais aussi à la supériorité. Mademoiselle de Schurman n’approuvait point le dessein de cet ouvrage[b] : elle eut donc blâmé la demoiselle Jaquette Guillaume (C).

  1. Il fut imprimé à Venise, l’an 1601, in-4o.
  2. Tantùm verò abest ut hoc cum virginali modestiâ aut saltem innato mihi pudore congruere arbitrer, ut vel perlegere pigeat tractatum cætera insignem Lucretiæ Marinellæ. Anna Maria à Schurman, in Opusculis, pag. 85.

(A) Entre autres livres. ] Elle a fait un ouvrage qui a pour titre : la Colomba sacra, la Vie de la Vierge Marie, et celle de saint François. J’apprends ceci dans le Cose notabili e maravigliose della città di Venetia[1][* 1].

(B) Comme quelques auteurs ont fait [2]. ] Je n’en nommerai que deux : l’un est mademoiselle de Gournay, qui a fait un petit livre de l’Égalité des Hommes et des Femmes. Sa prétention fut désapprouvée par mademoiselle de Schurman : Nobilissimæ Gornacensis Dissertatiunculam… uti ab elegantiâ ac lepore improbare minimè possum : ita eam per omnia comprobare nec ausim quidem nec velim ; licet ad sapientum testi-

  1. * Joly, d’après le Theatro delle Donne letterate del signor Agostino della Chiesa, Mondovi, 1620, in-12, donne les titres de quelques autres opuscules de Marinella.
  1. À la page 311 de l’édit. de Venise, 1655.
  2. Voyez l’art. Fonte, tom. VI, pag. 501.