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MECQUE.

là où les [* 1] commentateurs de l’Alcoran disent que, pour préserver le temple de la Mecque de la destruction dont il était menacé, Dieu envoya contre les Éthiopiens de grandes armées d’oiseaux, qui portaient chacun trois pierres, une au bec et une à chaque pied ; qu’ils les jetaient en bas sur les têtes des ennemis ; que ces pierres, quoiqu’elles ne fussent pas beaucoup plus grosses que des pois, étaient pourtant d’une telle pesanteur, que, tombant sur le casque, elles le perçaient, et l’homme aussi de part en part ; que sur chacune de ces pierres était écrit le nom de celui qui en devait être tué ; et que l’armée des Éthiopiens étant ainsi détruite, le temple de la Mecque fut sauvé [1]. »

(D) Les habitans de la Mecque étaient d’une ignorance très-crasse. ] Mahomet « était un barbare sans littérature [* 2] qui ne savait ni lire ni écrire. Mais cela n’était pas tant un défaut en lui, que dans la tribu dont il était, où l’on avait de coutume, pour ce qui regardait toute sorte de littérature, de demeurer [* 3] dans la même ignorance avec laquelle ils étaient sortis du ventre de leur mère jusques à la fin de leur vie. C’est pourquoi au temps que Mahomet s’érigea premièrement en prophète, il n’y avait pas un seul homme de la Mecque qui sût lire ou écrire, excepté seulement [* 4] Waraka, parent de Cadigha, qui s’étant fait premièrement juif, et ensuite chrétien, avait appris à écrire l’arabe en lettres hébraïques. Et c’est pour cette raison que les habitans de la Mecque étaient appelés [* 5] gens sans littérature, par opposition au peuple de Médine, qui étant la moitié chrétiens, et l’autre moitié juifs, savaient et lire et écrire ; et c’est pour cela qu’ils étaient appelés [* 6] le peuple du livre. C’est de lui que plusieurs des sectateurs de Mahomet, après qu’il fut venu à Médine, apprirent aussi à lire et écrire, ce que quelques-uns d’entr’eux avaient commencé d’apprendre auparavant de Bashar le Cendien [* 7], qui ayant demeuré à Anbar, ville d’Érac, près de l’Euphrate, y avait appris cet art, d’où venant à la Mecque, et se mariant avec la sœur d’Abu-Sophian, il s’établit là, et l’on dit que c’est de lui que les habitans de la Mecque ont reçu les belles-lettres. Entre les sectateurs de Mahomet, Othman y profita plus qu’aucun autre, ce qui l’avança dans la suite à être [* 8] secrétaire de cet imposteur. Mais faute de papier d’abord, étant dans un lieu où l’on n’en avait pas besoin auparavant, ils furent obligés de se servir [* 9] d’os d’épaules de mouton et de chameau pour écrire, ce qui était un expédient dont se servaient anciennement les autres tribus des arabes, qui avaient des lettres, mais qui manquaient de commerce pour leur fournir ce qui leur était nécessaire pour cela ; et c’est pour cela que leurs livres, dans lesquels leurs poëmes, et autres sujets qui leur plaisaient, étaient écrits [* 10] n’étaient qu’autant de ces os de mouton et de chameau liez ensemble avec un cordon [2]. »

(E) Il subjugua la Mecque très-facilement. Il en bannit l’idolâtrie. ] Il marcha si diligemment vers cette ville, avec son armée, qu’il fut à ses portes avant que les habitans se fussent aperçus qu’il leur en voulait [* 11]. Il les surprit donc avant qu’ils eussent eu le temps de se préparer à se défendre, et ainsi ils furent contraints de se soumettre à lui. La ville se rendit à discrétion sans faire seulement

  1. (*) Zamachshari Bidawi Jolalani, etc.
  2. (*) Alcoran., c. 7 ; Johannes Andreas, c. 2 ; Pocockit Spec. Hist. Arab. 156 ; Disputatio Christiani, c. 12 ; Richardi Confutatio, c. 3.
  3. (*) Ebn’al-Athir Sharestani, Al Motawazi ; in libro Mogreb ; Pocock. Spec.. Hist. Arab., pag. 157.
  4. (*) Al Bocha. Pocock., ibidem.
  5. (*) Sharestani, Pocock. Spec. Hist., Arab. pag. 156.
  6. (*) Sharestani et Pocock., ibid. ; Hotting., Hist. orient., lib. I, cap. 1.
  7. (*) Pocockii Spec. Hist. Arab., pag. 157.
  8. (*) Elmacin., lib. 1, cap. 1. Bartholomæus Edessenus.
  9. (*) Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 157 .
  10. (*) Eb’nal-Athir. ; Pocock., ibidem.
  11. (*) Abul-Farag., pag. 103 ; Elmacin., lib. 1, cap. 1.
  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 80.
  2. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 36 et suivantes.