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MECQUE.

mine de se vouloir défendre. Dès que Mahomet y fut entré, il fit mourir ceux qui avaient témoigné le plus d’emportement contre lui, et tous les autres se soumirent à son empire, et embrassèrent sa religion. Il n’y fut pas plus tôt le maître absolu, qu’il se mit à nettoyer la Caaba des idoles qui y étaient, et à consacrer de nouveau ce temple, comme ayant résolu de lui conserver son ancienne splendeur en en faisant la mosquée la plus sacrée de toutes, et la principale place pour le service religieux de ses sectateurs. Il y [* 1] avait un grand aombre d’idoles dans le temple, et il n’y en avait pas moins dehors que l’entouraient : Mahomet les arracha également et les détruisit toutes sans exception. Les plus considérables de ces idoles étaient celles d’Abraham et d’Ismaël dans le temple, et celle de Hoball hors du temple. Les autres étaient des images des Anges, des prophètes, et de leurs principaux saints décédés, lesquels ils honoraient seulement comme des médiateurs, leur rendant le même honneur religieux que les catholiques romains rendent à leurs saints et aux images qu’ils en font. Car les Arabes ont toujours cru [* 2] qu’il n’y avait qu’un Dieu, créateur et gouverneur de toutes choses, lequel ils appelaient allah taal, c’est-à-dire, le Dieu souverain, le Dieu des dieux, et le Seigneur des seigneurs, lequel ils n’osèrent jamais représenter par aucune image. Mais ce Dieu étant si grand et si élevé, que, selon eux, les hommes n’en sauraient approcher pendant qu’ils sont sur la terre, que par la médiation d’avocats qui intercèdent pour eux dans le ciel, afin que les anges et les saints hommes béatifiés leur rendissent cet office, ils leur érigeaient des images, leur bâtissaient des temples, leur adressaient leurs adorations, et en faisaient l’objet de leur culte et de leurs dévotions. C’est en quoi consistait toute l’idolâtrie des Arabes, à laquelle Mahomet mit fin en détruisant ces idoles [1].

(F) Il ordonna le pèlerinage de la Mecque. C’était une solennité que les Arabes avaient en vénération depuis plusieurs siècles. ] « C’était un rite des païens arabes, qui, depuis beaucoup de siècles auparavant, avaient accoutumé d’aller une fois tous les ans au temple de la Mecque, pour y adorer les divinités païennes. Le temps de ce pèlerinage [* 3] était dans le mois de dulhagha ; et le 10 du même mois était leur grande fête, consacrée aux principales solennités de leurs pèlerinages. Et afin que tout le monde pût venir avec une liberté entière et sûrement à cette fête, de tous les endroits d’Arabie, et s’en retourner de même, ils tenaient pour sacrés non-seulement ce mois, mais aussi les mois précédent et suivant ; de sorte qu’il ne leur était pas permis de faire aucune hostilité contre qui que ce fût pendant ce temps là, comme je l’ai fait voir ci-devant [2]. C’est pourquoi ce pèlerinage solennel à la Mecque ayant été un usage religieux que toutes les tribus des Arabes avaient en grande vénération, y étant accoutumées depuis long-temps, Mahomet ne jugea point à propos de rien innover sur ce sujet, de peur de les aigrir. Il adopta donc cette observance, la faisant passer dans sa religion, toute telle qu’il l’avait trouvée parmi les Arabes, sans en retrancher un seul des rites ridicules avec lesquels ils l’observaient : de là vient qu’encore aujourd’hui tous ses sectateurs l’observent comme un des devoirs fondamentaux de sa religion. Car cet imposteur rusé leur fit entendre sur ce sujet, aussi bien qu’au sujet de tous les rites païens des Arabes, qu’il crut nécessaire de retenir, que cette pratique venait originairement d’un commandement que Dieu avait fait à Abraham et à Ismaël. Selon lui, lorsque ces patriarches rebâtirent leur Caaba Dieu leur ordonna d’aller tous les ans en pèlerinage à la Mecque ; or, dit-il, au commencement, l’on

  1. (*) Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 95, 96, 97, 98.
  2. (*) Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 107 et 108.
  3. (*) Sharestani ; Makrizi ; Golii notæ ad Alfraganum, pag. 8 et 9 ; Pococ. Spec., Hist. Arab., pag. 177.
  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 122 et suivantes.
  2. Voyez le dernier paragraphe de cette remarque.