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MÉLAMPUS.

non, et puis il fait prendre aux malades un certain médicament. Quas (Prætidas) Melampus............ placatâ Junone, infecto fonte ubi solitæ erant bibere, purgavit et in pristinum sensum reduxit [1]. Notez que καθαρμὸς signifie non-seulement une médecine purgative, mais aussi ce que nous appellerions un exorcisme, ou plutôt un formulaire de paroles magiques.

Il y a une espèce d’ellébore qui a causé de lui fut appelé Melampodium [2]. C’est une marque qu’il s’en servit, et l’on peut croire qu’il ne l’oublia pas dans la grande cure qui lui devait valoir un royaume. Néanmoins Pline ne nous dit rien qui insinue cela : il ne fait connaître Mélampus que du côté prophétique ; il ne lui attribue point la guérison des filles de Prœtus, et il dit qu’on l’attribue à un berger. Melampodis fama, divinationis artibus nota est. Ab hoc appellatur unum ellebori genus Melampodion. Aliqui pastorem eodem nomine invenisse tradunt, capras purgari pasto illo animadvertentem, datoque lacte earum sanâsse Prœtidas furentes [3]. Si Vossius [4] s’est fondé sur ce passage, pour dire que notre Mélampus guérit la fureur des filles de Prætus en mêlant de l’ellébore noir avec du lait de chèvre, il n’a pas été un fidèle rapporteur. Ce serait à lui à nous montrer ses garans. Il n’a rien à craindre sur ce qu’il censure Pierre Castellan et Jean Néander, d’avoir fait Mélampus postérieur à Empédocle. Ils ont commis en cela une bévue ; car Mélampus a vécu avant la guerre de Troie. Quant aux écrits que nous avons sous ce nom-là, ils sont supposés. Nous avons Melampi ex palpitationibus Divinatio, imprimé en grec, à Rome, l’an 1545. Ex nævis corporis Divinatio, imprimé en grec à Rome la même année, et en latin, à Venise, l’an 1552 (Nicolas Petréius est l’auteur de cette version), et en latin, et en grec, avec la métoposcopie de Cardan, à Paris, l’an 1658. Voyez Lindenius renovatus à la page 804. L’abrégé de la Bibliothéque de Gesner m’apprend que Melampus hierogrammateus scripsit de auguriis ex saltibus corporis quæ Augustinus Niphus in librum primum de auguris transtulit.

(H) Nous devrions croire qu’il parvint à une grande vieillesse. ] Slace suppose qu’Amphiaraüs fut associé avec Mélampus pour consulter les augures touchant la guerre de Thèbes :

.... Solers tibi cura futuri
Amphiarae, datur ; juxtaque Amythaone cretus
Jam senior sed mente virens Phœboque Melampus
Associat passus : dubiùm cui dexter Apollo
Oraque Cyrrhæâ satiârit largius undâ [5].


Mélampus était le bisaïeul d’Amphiaraüs : celui-ci avait alors plusieurs enfans, et un entre autres qui fut généralissime des Argiens dix ans après. Concluez de là que Mélampus eût été bien vieux. Mais les poëtes ne se font point un scrupule des anachronismes. Stace suppose dans un autre lieu que Thiodamas, fils de Mélampus, fut choisi pour succéder à Amphiaraüs dans l’intendance des augures. Il le représente comme le second dans cet art-là, mais néanmoins d’une modestie qui l’obligeait à se reconnaître indigne de la succession, tout de même que le fils d’un grand roi craint dans son enfance de ne pouvoir pas remplir les fonctions de feu son père.

Concilium rex triste vocat : quærumque gementes,
Quis tripodas successor agat ? quo proditæ laurus
Transeat ? atque orbum vitæ decus ? Haud mora, cuncti
Insignem famâ, sanctoque Melampode cretum
Thiodamanta volunt, qui cùm ipsa arcana deorum
Partiri, et visas uni sociare solebat
Amphiaraus aves, tantæque haud invidus artis
Gaudebat dici similem, juxtaque secundum.
Illum ingens confundit honos, inopinaque turbat
Gloria, et oblatas frondes submissus adorat,
Seque oneri negat esse parem, cogique meretur.
Sicut Achæmenius solium, gentesque paternas
Excepit si fortè puer, cui vivere patrem
Tutius, etc. [6].


Ferait-on de telles comparaisons si

  1. Servius, in Virgil., eclog. VI, vs. 48.
  2. Plinius, lib. XXV, cap. V, pag. m. 389.
  3. Idem, ibidem.
  4. Vossius, de Philosophiâ, cap. XI, num. 17, pag. m. 84.
  5. Statius, Thebaid., lib. III, vs. 451.
  6. Idem, ibid., lib. VIII, vs. 275.