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MÉTELLUS.

Sive quòd impia mens Cæco flagrabat amore,
Seu quòd iners sterili semine natus erat :
Et quærendum aliundè foret nervosius illud,
Quòd posset zonam solvere virgineam.
Egregium narras mirâ pictate parentem,
Qui ipse sui gnati minxerit in gremium [1].


Scaliger réfute Turnèbe par deux raisons : la 1re. est que la scène de cette aventure est à Vérone, et non pas à Rome ; la 2e. est que personne n’a jamais dit que Clodia ait commis inceste avec son père. Cicéron n’eût pas oublié de lui en faire reproche, si elle eût été en mauvaise réputation de ce côté-là [2]. Ces deux raisons de Scaliger sont fort bonnes ; mais il n’a pas bien pris garde que ce fut avec le père de son mari, et non pas avec son propre père, que la fille dont parle Catulle se défit de son pucelage.

  1. Catull., epigramm. LXVIII.
  2. Alienum à vero prorsùs scribit Adr. Turnebus, Gallorum doctissimus, hunc esse Cæcilium. cui Clodia nupserit. Hoc enim non Romæ, sed Veronæ manifesto actum scribit Catullus. Deindè nihil tale de Clodiâ narratur, ut consuetudinem stupri nefandam cum patre suo habuerit. Hoc enim non tacuisset capitalis hostis ejus fratris Clodii Cicero. Scalig., Not. in Catull., epigr. LXVIII.

MÉTELLUS (Lucius), tribun du peuple, lorsque César se rendit maître de Rome, au commencement des guerres civiles, eut plus de courage que tous les autres magistrats. La ville de Rome parut si soumise aux volontés de César, dès les premiers jours (A), qu’on eût dit qu’elle était accoutumée depuis longtemps au joug de la servitude. Le seul Métellus eut la hardiesse de s’opposer à César, qui se voulait saisir du trésor que l’on gardait dans le temple de Saturne. César se moqua de l’opposition, et des lois qui lui furent alléguées (B), et s’en alla tout droit au lieu où ce trésor était en dépôt. Il le trouva fermé ; et comme on lui refusait les clefs, il donna ordre qu’on rompît les portes : et sur ce que Métellus renouvela ses oppositions, il le menaça de le tuer : Jeune homme, ajouta-t-il, tu n’ignores pas qu’il me serait plus facile de le faire que de le dire. Le tribun ne résista plus (C), et se retira tout doucement ; et César prit dans cette épargne tout ce qu’il voulut [a]. Il s’est bien gardé de conter comment la chose s’était passée : il la déguise de telle sorte dans son histoire de la guerre civile [b] (D), qu’on n’y trouve rien d’injuste ni de violent. C’est ainsi qu’en usent ceux qui composent eux-mêmes leur vie ; ils font évanouir les circonstances qui ne leur sont pas glorieuses.

  1. Plutarch. in Cæsare, pag. 725.
  2. Lib. I.

(A) La ville de Rome parut si soumise aux volontés de César dès les premiers jours. ] Il ne s’en faut pas étonner ; on le regardait comme un homme qui, à main armée s’étant emparé de Rome. On avait appréhendé qu’il ne mît tout au pillage.

....... Namque ignibus atris
Creditur, ut capte rapturus mœnia Romæ
Sparsurusque Deos : fut hæc mensura timoris.
Velle putant quodcùnque potest [1].


Le bonheur de Rome voulut qu’il mît des bornes à sa puissance, lorsque le sénat et le peuple n’en eussent point mis à leur soumission. Ce ne sera pas la dernière fois que, même dans des conjonctures où la mollesse est infiniment plus inexcusable qu’alors, on aura moins de honte de laisser prendre, que d’autres n’en auront de prendre, et qu’on devra son salut à la discrétion d’autrui.

Omnia Cæsar erat, privatæ Curia vocis
Testis adest. Sedere patres censere parati
Si regnum, si templa sibi, jugulumque senatus
Exiliumque petat. Meliùs quod plura jubere
Erubuit, quam Roma pati..... [2].

(B) César se moqua... des lois qui lui furent alléguées. ] Appien [3]

  1. Lucan., Phars., lib. III, vs. 99.
  2. Là même, vs. 108.
  3. Lib. II Bell. Civil., pag. m. 241.