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MÉTHYDRE.

les faire rompre si on lui en refusait les clefs [1]. La leçon ordinaire fait évanouir cette violence, puisqu’elle suppose que le trésor fut laissé ouvert. Si l’on adopte la conjecture de Rubeins, on diminuera la mauvaise foi de la plume de César : mais il sera toujours coupable d’une insigne suppression de la vérité ; car il n’a point dit qu’il profita de la conjoncture, et qu’il entra dans l’épargne, que Lentulus n’avait point fermée, Vossius ne me semble pas bien fondé dans la raison qu’il allègue contre la correction de Rubeins : Sed profectò, dit-il, sequentia refellunt, nam quia mirum poterat videri, quòd relinqueret apertum. ærarium profugiens, eo subjungit : Cæsar enim adventare, etc. [2]. Cette raison est tirée des paroles dont César se sert pour montrer la cause de la frayeur de Lentulus, mais elle n’est pas bien forte ; car il est fort étonnant qu’à la veille d’une grande guerre, un consul qui est tout prêt de faire charger l’argent de l’épargne pour l’envoyer au général, prenne la fuite avant que de s’assurer de cet argent : de sorte que, si César s’était servi de la négative, comme Rubeins le suppose, il aurait été obligé de donner une raison de la peur de Lentulus, peur qui n’aurait pas donné le temps nécessaire à se bien munir d’argent. Ainsi Vossius n’est pas bien fondé à supposer que l’on donnerait une raison inutile, si le fait que César raconte était conforme à la critique de Rubeins. Il me semble aussi que la leçon ordinaire pousse les choses jusqu’à l’hyperbole. Quelle apparence qu’un consul romain ait été si consterné, qu’il n’ait point vu que le temps qu’il lui fallait pour la fermeture d’une porte n’était pas à ménager, je veux dire qu’il ne durerait pas assez pour empêcher qu’on ne pût prendre la fuite ?

  1. Voyez Lucain, Plutarque et Appien, ubi suprà, citat. (a), (3) et (4) ; Dion, lib. XLI, pag. 181 ; Ciceron, ad Attic., lib. X, epist. IV ; Florus, lib. II, cap. II, num. 21.
  2. De Hist. lat., pag. 63.

MÉTHYDRE, en grec Μετόδριον, Methydrium, ville du Péloponnèse, dans l’Arcadie, fut ainsi nommée à cause de sa situation entre deux rivières [a]. Orchomène, qui en fut le fondateur, la bâtit sur une éminence. Il avait proche de Méthydre un temple de Neptune équestre, et une montagne que l’on appelait Thaumasie (A), c’est-à-dire, miraculeuse, où l’on prétendait que Cybèle enceinte de Jupiter, se réfugia, et qu’Hoplodamus et les géans de sa suite se préparèrent à la secourir, en cas que Saturne son mari lui voulût faire quelque violence (B). On ne niait pas qu’elle ne fût accouchée sur le mont Lycéus ; mais on soutenait qu’elle trompa son époux sur la montagne de Thaumasie (C), en lui donnant une pierre au lieu de l’enfant. On montrait sur le sommet de cette montagne, la caverne de Cybèle, où il n’était permis à personne de mettre le pied, hormis les femmes consacrées à cette déesse [b]. Méthydre n’était qu’un village au temps de Pausanias, et appartenait aux Mégalopolitains [c]. Cet article déplaira à bien des gens, parce qu’il témoigne qu’il y avait dans le paganisme certains lieux de dévotion dont la prétendue sainteté n’était fondée que sur des contes ridicules. Il y a bien des conformités que l’on n’aime point. Pausanias est un auteur incommode. Il eût mérité la revue des commissaires librorum expurgandorum.

  1. L’une s’appelait Malata, et l’autre Mylaon.
  2. Tiré de Pausanias, lib. VIII, pag. 266.
  3. Idem, ibidem, pag. 246.

(A) Il avait proche de Méthydre un temple.... et une montagne... appelée Thaumasie. ] Je ne fais cette remarque que pour corriger un mot