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MOLSA.

guère se commettre ; c’est beaucoup mieux l’affaire d’un grand pendard. Adrien Junius [1], qui entendait fort bien le grec, a pris le proverbe d’Aristophane dans un sens ironique ; de sorte que Molon, selon lui, est un homme d’une taille gigantesque. Je crois qu’il a plus de raison que Suidas. M. Hofman [2] dit que, selon Didyme, il y a eu deux Molons : l’un bateleur, et d’une taille excessive ; l’autre voleur d’habits, fur vestarius, et fort petit homme.

  1. Adag. XXXI, cent. V.
  2. Au Ier. vol., pag. 1047.

MOLSA (François-Marie), l’un des bons poëtes du XVIe. siècle, était de Modène. Ses vers latins et italiens le mirent dans une telle réputation, que, pour peu qu’il se fût aidé par une sage conduite, il serait monté à une haute fortune ; mais il se gouvernait si mal, que les patrons des beaux esprits ne le purent avancer, quelque bonne volonté qu’ils eussent pour lui [a]. Il était si débauché, qu’il se mettait au dessus des précautions les plus nécessaires à ceux qui veulent éviter le dernier mépris (A). Il joignait au crime la bassesse et l’impudence ; de sorte qu’il ne faut point s’étonner qu’il soit mort de la vérole [b]. Il trouva une occasion favorable de faire paraître qu’il était bon orateur et que sa prose ne cédait point à ses poésies. Ayant vu le peuple romain fort indigné contre Laurent de Médicis, qui avait coupé la tête à plusieurs anciennes statues, il l’accusa de cet attentat, et fit là-dessus une harangue si forte, qu’il le remplit de confusion et de désespoir (B). Il mourut, non pas l’an 1548 [c], comme l’assure M. de Thou, mais au mois de février 1544 (C), et il laissa un fils qui fut père d’une illustre fille, dont je vais parler. Le Boccalini s’est bien diverti aux dépens du Molsa (D).

J’ai lu des lettres [d], où il se plaint bien tristement de sa misère, et de l’avarice du pape Paul III. Ses pièces latines ont paru sous le nom de Franciscus Marius Molsa ; car il crut que le nom féminin Maria, masculinisé par les Toscans, ne conviendrait guère à la langue latine [e] Son Capitolo in lode de’ Fichi, a couru sous le nom del P. Siceo, et fut honoré d’un commentaire par ser Agresto ; c’est-à-dire par Annibal Caro. Ce commentaire fut imprimé in-4o., l’an 1539 [f] (E). Le Molsa prit le surnom de Furnius, à cause qu’il avait une maîtresse qui s’appelait Furnia. Elle fit ensuite le métier de courtisane. Voyez la remarque (C), où vous trouverez aussi quelques éloges qui furent donnés à cet auteur, et bien d’autres particularités. On a dit de lui entre autres choses, qu’il mourut si chrétiennement, qu’il ne fallait point révoquer en doute que son âme ne fut montée tout droit au ciel (F).

  1. Voyez la remarque (A).
  2. Ab illâ (Venere) meritum pudendo contractu miserabilis morbi quo periret venenum hausit. Paul. Jovius, Elog. cap. CIV, pag. m. 244.
  3. Thuan. lib. V, circà finem.
  4. Elles furent écrites l’an 1538, et sont imprimées avec celles du cardinal Sadolet, au livre XVI, pag. 643 et suiv. de l’édition de Lyon, 1554.
  5. Giovanni Mario de Crescembeni, Istoria della volgar Poësia, pag. 106.
  6. Crescembeni, Istoria della volgar Poësia, pag. 328. On verra ci-dessous que l’imprimeur de l’édition de 1584 dit que la première est de l’an 1538.