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MUCIE.

(A) Il ne croyait point l’histoire de la papesse Jeanne. ] M. Sarrau nous l’apprend dans un passage que j’ai rapporté ailleurs [1], et qui contient une preuve tirée de ce que M. du Moulin, qui était si propre à plaisanter, n’avait jamais fait mention de sa papesse, quoique ce fût une matière qui aurait pu lui fournir bien des railleries. Apportons une autre preuve. Le jésuite Pétra Sancta [* 1] publia en 1634 quelques notes sur une lettre de du Moulin à Balzac, et y joignit la réfutation de certaines choses que ce ministre lui avait dites touchant le cérémonial de Rome, par rapport à l’installation du pape. Il m’avait pas oublié la chaire percée. Le jésuite se servit de cette occasion pour réfuter en peu de mots l’histoire de la papesse. Du Moulin lui répliqua [2], et consacra tout un chapitre [3] à justifier ce qu’il avait dit touchant les cérémonies de l’installation du pape ; mais il ne dit pas un mot, ni de la chaire percée, ni de la papesse. Ce qui prouve manifestement qu’il n’en croyait rien ; car pour un homme qui eût cru la chose, c’était une occasion indispensable de disputer là-dessus. Rivet, partisan de la tradition de la papesse, n’oublia pas de rompre une lance en répondant à ce même écrit de Pétra Sancta [4] [* 2].

  1. * Ce jésuite, dit Joly, se nommait Silvester Pétra Sancta.
  2. * Joly dit que l’on peut consulter le nouveau Recueil des Lettres de G. Patin, lettre du 16 mai 1636 ; ainsi que deux lettres de Chapelain à Balzac, des 8 décembre 1632, et 25 janvier 1633, qu’on trouve dans les Mélanges de Chapelain. Il existe une Relation des dernières heures de M. du Moulin, décédé à Sedan, le 10 mars 1658, Sedan, 1658, in-8o. Joly, qui ne connaissait pas cette édition, dit que la Relation fait partie du Récit des dernières heures de MM. du Plessis Mornai, Rivet, du Moulin, Genève, 1666, in-12. Quant au livre intitulé : La Légende dorée de P. du Moulin, contenant l’histoire de sa vie et de ses écrits, c’est une diatribe dont on ignore l’auteur. Du Moulin a placé dans le Theatrum de Fréher, si souvent cité par Bayle ; et un anonyme a écrit sa Vie, imprimée dans les Vitæ selectorum aliquot Virorum, recueillies par Guillaume Bates (en latin Batesius), Londres, 1681, in-4o.
  1. Dans la remarque (I) de l’article Blondel (David), à la fin, tom. III, pag. 473.
  2. Son livre est intitulé : Hyperaspistes sive Defensor veritatis adversùs calummias, etc. : il est imprime à Genève, 1636, in-8°.
  3. C’est le XXIIe. du Ier. livre.
  4. Voyez le IIIs. tome de ses Œuvres, pag. 587.

MUCIE, femme de Pompée, était la troisième fille de Quintus Mutius Scévola [a], et la sœur de Quintus Métellus Céler (A). Elle se plongea dans l’adultère avec si peu de retenue, que son mari fut contraint de la renvoyer, quoiqu’il en eût eu trois enfans [b]. Ce fut pendant qu’il remportait tant de gloire dans la guerre contre Mithridate, que Mucie se débaucha. Il apprit cette mauvaise nouvelle, et ne s’en émut pas beaucoup ; mais en s’approchant de l’Italie, il considéra d’un sens rassis l’importance de ce déshonneur, et il en fut si touché, qu’il envoya à sa femme la lettre de divorce [c]. L’on a observé que la Providence voulut mettre par-là un contrepoids à la gloire qu’il venait de s’acquérir (B). Il se plaignit de Jules César, le corrupteur de Mucie (C), et il avait coutume, non sans gémir, de l’appeler son Égysthe, par allusion au galant de Clytemnestre, femme d’Agamemnon ; mais il ne laissa pas de s’allier avec lui quelque temps après. L’intérêt de son ambition passa l’éponge sur un si juste ressentiment (D). On lui en fit de cruels reproches [d]. Mucie trouva bientôt un autre mari : elle devint l’épouse de Marcus Scaurus, et lui donna des enfans. Pompée eut quelque chagrin contre ce nouvel époux : il se fâcha que l’on méprisât à un tel point son jugement (E). Auguste se servit de

  1. Ascon. Pedianus, in Argum. Orat. Ciceronis pro Scauro, pag. m. 170.
  2. Voyez les paroles de Suétone, dans la remarque (C).
  3. Plutarch., in Pompeio, pag. 641.
  4. Voyez la remarque (C).