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MUCIE.

cette Mucie pour faire en sorte que Sextus Pompée son fils ne s’unît pas contre lui avec Marc Antoine, mais plutôt avec lui contre Marc Antoine [a]. L’on ne peut douter qu’il n’eût pour elle bien des égards, puisqu’après la journée d’Actium il fit grâce de la vie à Marcus Scaurus, fils de cette dame [b], et qu’il n’usa de cette clémence qu’en considération de Mucie. Cela nous montre que de tout temps la plupart des grands seigneurs ont regardé le cocuage comme une honte bourgeoise, et que les dames qui n’ont perdu que la bonne renommée n’ont guère perdu par rapport à la fortune et au crédit. Je remarquerai par occasion que Pompée ne fut pas heureux en mariage (F).

  1. Dio, lib. XLVIII, pag. m. 418, ad ann. 714.
  2. Idem, lib. LI, pag. 508.

(A) Elle était sœur de Quintus Metellus Céler. ] Cicéron nous apprend cela dans une lettre qu’il écrivit à Métellus. Egi cum Claudiâ, dit-il [1], uxore tuâ, et cum vestrâ sorore Muciâ, cujus ergà me studium pro Cn. Pompeii necessitudine multis in rebus perspexeram, ut eum ab illâ injuriâ deterrerent [2]. Ce passage montre que Q. Métellus Céler, et Q. Métellus Népos, étaient frères de Mucie, c’est-à-dire, selon Manuce [3], ou ses cousins germains, ou ses frères utérins. Ce dernier sentiment me paraît plus vraisemblable. Je crois que la mère de Mucie épousa Quintus Mucius Scévola, après avoir eu de Quintellus Metellus Népos les deux frères dont j’ai parlé. Voyez ci-dessous un passage de Dion.

(B) L’on a observé que la Providence voulut mettre par-là un contrepoids à la gloire que Pompée venoit de s’acquerir. ] Plutarque a fait cette observation : Si pensoit bien, dit-il [4] parlant de Pompée, à son retour en Italie y devoir arriver le plus honoré homme du monde, et desiroit se trouver en sa maison avec sa femme et ses enfans, comme aussi il cuidoit bien y estre attendu d’eux en grande devotion : mais le Dieu, qui a soin de mesler tousjours parmy les grandes et illustres faveurs de la fortune quelque chose de sinistre, le guettoit en chemin, et luy dressoit embusche en sa propre maison pour luy rendre son retour douloureux ; car sa femme Mutia en son absence s’estoit mal gouvernée. Or cependant qu’il en estoit loin, il ne tint conte des rapports qu’on luy en fit : mais quand il approcha de l’Italie, et qu’il eut ainsi, comme je pense, l’entendement plus à delivre pour penser de pres aux mauvais rapports qu’on luy en avoit fait : alors il lui envoia denoncer qu’il la renonçoit et repudioit pour femme, sans avoir lors escrit, ny jamais dit depuis pour quelle cause il la repudioit : mais la cause en est escrite és Epistres de Ciceron. Apprenons de là que la mémoire de Plutarque était plus vaste que fidèle. Il se souvenait que Cicéron avoit écrit quelque chose du divorce de Mucie, et cela avec des louanges de la conduite de Pompée. Sur la foi de sa mémoire, et sans consulter les lettres de Cicéron, il avança que l’on y trouvait les causes de ce divorce : mais il se trompe ; et si nous avions tous les auteurs qu’il allègue, nous trouverions qu’il a fait souvent de pareilles fautes. Voici tout ce qu’a dit Cicéron : Divortium Muciæ vehementer probetur [5]. C’est dans une lettre qui fut écrite l’an du triomphe de Pompée, c’est-à-dire l’an de Rome 692.

(C) Il se plaignit de Jules César, le corrupteur de Mucie. ] Suétone, ayant nommé plusieurs femmes que César avait aimées, finit par Mucie, et s’exprime ainsi : Etiam Cn. Pom-

  1. Cicero, epist. II, lib. V, ad Famil., pag. 229, 230.
  2. C’est-à-dire, Quintus Métellus Népos, frère de celui à qui Cicéron écrit.
  3. Manutius, in Cicer. epist. II, lib. V, ad Famil.
  4. Plutarque, dans la Vie de Pompée, pag. 641 : je me sers de la version d’Amyot.
  5. Cicero, epist. XII, lib. I, ad Atticum, pag. 67.