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MUSSO.

cin à bien de la peine à réfuter cette critique, quoiqu’il y emploie tout son savoir-faire [1]. Des gens encore plus incommodes que les censeurs d’un sermon, s’élevèrent contre l’évêque de Bitonte ; car ses créanciers, je veux dire ceux qui avaient des pensions sur son évêché, le poursuivirent par les voies les plus rigoureuses. Laissons raconter cela au père Paul. « Dans la congrégation du 5 de mars 1546, l’évêque de Bitonte, qui venait d’être cité à Rome par l’auteur, à la requête de ses pensionnaires, qui voulaient qu’il fût contraint par excommunication, selon le style de cette cour, à payer ce qu’il leur devait, se plaignit de cette procédure, disant que ses pensionnaires avaient raison, mais que lui n’avait point de tort, ne pouvant pas être au concile, et payer ses pensions. Si bien qu’il fallait qu’il en fût déchargé, ou qu’il fût gratifié d’une somme équivalente [* 1]. Les prélats pauvres s’intéressèrent pour lui, comme ayant une cause commune, et quelques-uns ne feignirent point de dire qu’il était injurieux au concile, qu’un officier de la cour de Rome procédât par censures contre un évêque qui assistait au concile. Qu’après un tel excès, le monde aurait bien raison de dire que le concile n’était pas libre. Que pour leur honneur, il fallait citer l’auditeur à Trente, ou du moins faire contre lui quelque démonstration de ressentiment qui mît à couvert la dignité du concile. D’autres se mirent à parler contre les pensions, disant qu’il était bien juste que les églises riches soulageassent les églises pauvres, mais par charité, et non par contrainte, ni jusqu’à s’ôter le nécessaire : et que saint Paul l’enseignait ainsi [* 2]. Qu’il était injuste que les évêques pauvres fussent forcés par censures à retrancher de leur nécessaire pour en accommoder les riches ; et que cet abus méritait bien que le concile y pourvût, en rétablissant l’ancien usage. Mais les légats considérant où pourraient aboutir de si justes plaintes, y mirent fin en promettant qu’ils écriraient à Rome, pour faire cesser les procédures contre l’évêque, et lui faire donner de quoi pouvoir subsister au concile [2]. » Palavicin assure [3] que les actes de cette congrégation ne disent rien de ces plaintes, ou de ces réflexions de prélats, et il ajoute qu’elles eussent été mal fondées, puisqu’il serait très-injuste de prétendre à la dispense de payer ses dettes, sous ombre que l’on assiste à un concile. Il ne nie point que Musso, cité devant l’auditeur, n’ait représenté modestement aux légats ses nécessités, et ne leur ait demandé leur assistance. Il l’obtint. Ils le recommandèrent au pape, qui, pour cette fois, voulut bien le soulager par un présent de cent écus d’or.

On remarque [4] que cet évêque soutint fortement que l’Écriture et les traditions méritent le même respect ; mais qu’enfin il se relâcha, et qu’il proposa qu’au lieu de respect égal, on dît un respect semblable : sa proposition fut rejetée ; Palavicin blâme ce relâchement. Ben’ è di maraviglia, dit-il, che il Musso havendo per se la bontà della causa, la forza della ragione, e ’l numero de’ seguaci si ritirasse nella vegnente congrezazione, dalla sentenza felicemente difesa ; e proponesse che in luogo d’uguale, si ponesse, simigliante : Il che non sortì approvazione. Ce prélat fut plus orthodoxe sur le chapitre de la résidence ; car il assura par bien des raisons qu’elle était de droit divin [5]. Il mit en pratique ce dogme passablement bien : Finito ultimamente, e chiuso il sacro concilio, e desiderando esso monsignore di ritornar alla sua chiesa, far la residenza, e mettere in observanza il sacro concilio, anzi quello ch’ egli haveva sempre predicato al mondo, mantenuto nel medesimo sacro conci-

  1. (*) De six cents écus que valait son évêché, il en devait deux cents de pension.
  2. (*) Vestra abundantia illorum inopiamn suppleat. 2 Cor. 8. Unusquisque prout destinavit in corde suo, non ex tristitiâ, aut ex necessitate, Hilarem enim datorem diligit Deus, 2 Cor. 9.
  1. Palavicin, Istor. del Concilio, lib. V, cap. XVIII.
  2. Fra-Paolo, Hist. du Concile de Trente, liv. II, pag. 140, 141. Je me sers de la traduction d’Amelot de la Houssaie.
  3. Palavic., lib. VI, cap. XIII, num. 4, pag. m. 636.
  4. Idem, ibidem, cap. XIV, num. 3, p. 639.
  5. Idem, lib. VII, cap. VI, num. 7, p. 709.