Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
MAHOMET.

etiam munere fungente servo Zeido, aliisque,[* 1] quos auro corruperat Muhammed[1]. S’il voulut commencer par la séduction de sa femme, ce ne fut pas dans la vue de se servir de l’artifice de presque tous les novateurs. Ils affectent d’avoir des dévotes, et d’employer les intrigues et le zèle de quelques femmes pour réussir dans leur dessein. Mahomet, comme on le verra ci-dessous,[2] négligea ce stratagème. Il eut des femmes et des concubines en fort grand nombre ; mais ce fut pour l’usage naturel, pour le remède de son incontinence, pour le plaisir vénérien, en un mot, et non pas pour la propagation de sa foi. Il ne gagna point l’affection de ses épouses, ce furent elles, dit-on, qui lui ôtèrent la vie[3]. Il leur était infidèle, et il les battait ; et il fit même une loi qui permettait aux maris de battre leurs femmes, quand cela serait nécessaire. Il allégua cet édit lorsqu’il eut battu l’une des siennes, et qu’il eut vu que les autres en murmuraient ; et de peur que cette raison ne suffit pas à les apaiser, il y joignit un plaisant sophisme, un distinguo ridicule. Je ne l’ai pas battue, dit-il, en tant qu’elle est mon épouse, mais en tant que c’est une très-méchante vieille. Licentiam verberandarum uxorum, ex proprio dabat exemplo, nam quùm aliquandò duriùs excepisset mulierum suarum aliquam, et cæteræ indignarentur, ipse tùm legis patrocinio usus fuit, tùm tali distinctione : quòd illam verberâsset, non quatenùs uxor ejus, sed quòd execranda esset vetula[4].

(F) Le temps de cette évasion est l’époque des mahométans. ] Ils la nomment hégire. Ce mot signifie fuite ; mais afin que leur époque portât un nom honorable, ils affectèrent de prendre ce mot dans un sens particulier, je veux dire pour un acte de religion, qui fait que l’on quitte sa patrie, et que l’on cède à la violence des persécuteurs de la foi[5]. Les Koréischites regardaient Mahomet comme un séditieux et comme un impie, qui s’enfuyait afin d’éviter le juste supplice qu’on lui préparait. Lui, au contraire, et les compagnons de son exil, prétendirent être de saints pèlerins et des fugitifs pour la religion et pour la cause du vrai Dieu. Il y avait déja long-temps que Mahomet faisait le prophète lorsqu’il abandonna sa patrie, et il avait passé bien des jours dans une caverne pour préparer ses prophéties. Quòd autem seditionem hinc metuerunt Mecchani, præveniendum his censuêre motibus novis Muhammedemque seditionis, sub religionis prætextu motæ, accusatum, convictum et condemnatum è medio tollere constituerant, nist Muhammed de periculo admonitus solum ac civitatem vertisset, quod anno ætatis ipsius quinquagesimo quarto contigit, cùm jam 15 per annos pseudoprophetiam in speluncâ Garberâ (uti Numa cum Egeriâ) propè Meccam, in quâ multos ad crepusculun usquè delituerat soles [* 2], partim conflâsset, partim in vulgus sparsisset[6]. Cette fuite tombe au 16 de juillet 622[7].

(G) Il perdit quatorze hommes, qui furent placés au martyrologe mahométan. ] Ce sont de plaisans martyrs que des gens qui sont tués au pillage d’une riche caravane, et en faisant le métier de miquelets et de bandits. Elmacin rapporte que Mahomet ne fit cette course que pour piller cette caravane. Audiverat antem Abusophianum filium Harethi in Syriam cum magnâ caravanâ Koreischitarum opibus onustâ contendere. Egressus igitur est eas direptum... Vicerunt Muslimini occidentes infidelium 70 totidemque capientes. Ex Musliminis verò tanquàm martyres occubuerunt 14[8]. Les auteurs arabes ont fort loué ce combat ; l’Alcoran même en fait mention plus d’une fois[9], comme d’une affaire où Dieu et ses

  1. (*) Elmac. Hist. Sar., l. 1. c. 1, apud Hotting. l. 1, pag. 257.
  2. (*) Joh. Andreæ, l. 1, p. 15.
  1. Schultetus, in Eccles. Muhammed., pag. 14.
  2. Dans la remarque (Q).
  3. Mahumedes... dolo suarum uxorum periit anno Heraclii 22, Christi 632. Joannes Cluverus, Historiar. totius mundi epitome : in Heraclio, pag. m. 346. Il cite Paulus Diac., lib. 18. Ildeph.
  4. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 162.
  5. Hotting., Hist. orient., pag. 261.
  6. Schultet., in Eccles. Muhammed., p. 14.
  7. Hotting., Hist. orient., pag. 262.
  8. Elmacin., pag. 5, apud Hotting., pag. 269.
  9. Voyez Hottinger, ibidem, pag. 269, 270.