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MAHOMET.

(S) On conte des choses bien singulières de sa vigueur à l’égard des femmes. ] Les auteurs ne sont pas d’accord sur le nombre des femmes ; mais on convient assez généralement qu’il en eut plusieurs à la fois, et qu’il s’acquittait de la fonction conjugale avec une grande force[1]. « L’on peut voir dans Abul-Farage qu’il eut, selon quelques-uns, jusqu’à dix-sept femmes, sans les maîtresses qu’il entretenait[2]... On n’aura pas trop de peine à le [3] croire saint à leur manière, quand on saura qu’il n’épousa que quatorze femmes ; et que cette grande dévotion n’était à peu près que de trois degrés au-dessous de celle de Mahomet qui eut dix-sept femmes, sans comprendre ses maîtresses, qui se faisaient un excès de joie de contribuer au divertissement de leur grand prophète. Il est vrai qu’Ali était moins ardent que son beau-père, qui se vantait de satisfaire toutes les nuits aux justes devoirs du mariage, et d’avoir reçu par un privilége particulier, la force de quarante hommes en cette rencontre. » Voyons la note du sieur Bespier sur ce que M. Ricaut a dit[4], que Mahomet avait eu neuf femmes, et Ali quatorze. Jean André, dans une même page, au commencement du VIIe. chap. de la Confusion de la secte de Mahomet, dit que Mahomet a eu neuf femmes ensemble, sans les esclaves ; et au même lieu il dit qu’il en a eu onze, et le prouve par un livre qu’il appelle l’Assameil, qui est, dit-il, le livre des bonnes coutumes de Mahomet [5]. Les paroles que Jean André cite de ce livre signifient que la force de Mahomet était si grande, que dans une heure il pouvait connaître ses onze femmes. Robur ejus, super eum pax, tantum erat ut visitaret (circumiret) uxores suas unius horæ spatio, licet undecim forent. Baudier[6] donne quinze femmes à Mahomet, sans les esclaves. Elmacin ne parle que de trois femmes de Mahomet : mais il omet la première, qui était morte avant qu’il épousât les trois autres. Je crois qu’il n’y a rien de bien assuré (c’est Bespier qui parle) à l’égard du nombre des femmes de Mahomet, et encore moins d’Ali, de qui jusques ici, je n’ai point lu qu’il eût épousé d’autres femmes que la seule fille de Mahomet, nommée Fatime[7]. M. Pfeiffer rapporte que ce faux prophète prit jusqu’à dix-sept femmes, selon quelques-uns, et jusqu’à vingt-une, selon les autres[8]. Cela serait peu étrange, mais ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est ce que Belon rapporte, et dont j’ai déjà parlé. Il est escrit dans un livre arabe, dit-il[9], intitulé des bonnes coustumes de Mahomet, le louant de ses vertus, et de ses forces corporelles, qu’il se vantoit de pratiquer ses onze femmes en une même heure, l’une après l’autre[10]. Plusieurs se souviendront ici du frère Fredon de Rabelais[11]. Je ne sais ce qu’il faut croire de ce qu’on conte, que Mahomet eut affaire avec son ânesse. Turcarum legislator Mahumetes asellam quâ vehebatur ex indomito libidinis ardore compressit [12].

(T) Il n’osa pas être le seul qui jouît du privilége de la polygamie, quoique pour l’inceste il ait eu l’audace... de se le réserver par un privilége spécial. ] Pour colorer son incontinence qui avait poussé à

    Schiras, de crainte que s’il y eût vu une fois ces belles femmes, jamais après sa mort son âme ne fût entrée au paradis.

  1. Chevreau, Histoire du Monde, liv. V, pag. m. 14.
  2. Là même, pag. 19.
  3. C’est-à-dire Ali.
  4. État présent de l’Empire ottoman, tom. II, pag. 456.
  5. Bespier, Remarques curieuses, tom. II, pag. 681.
  6. De la Religion des Turcs, liv. I, chap. II, cité par Bespier, là même, pag. 682.
  7. Bespier, là même.
  8. Pfeiffer, in Theologiæ Mohammedicæ principiis sublestis, dans la Bibliothéque universelle, tom. VII, pag. 257.
  9. Belon, Observations de plusieurs Singularités, liv. III, chap. X, pag. m. 404, et non pas chap. IX, comme le cite la Mothe-le-Vayer, lettre XC, pag. 272 du tome XI.
  10. Voyez la remarque (II).
  11. Par ledit serment qu’avait fait, quantes fois de bon compte ordinairement le faites-vous par jour ? F. six. Pan. Et de nuit ? Fr. dix Cancre, dit frère Jean, le paillard ne daignerait passer seize, il est honteux. Rabelais, liv. V, chap. XXVIII.
  12. Balthasar Bonifacius, Historia ludicra lib. II, cap. VII, pag. 39. Il cite Bonfinius decis. (apparemment il voulait dire decad.) i, lib. 8.