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SUITE DES RÉFLEXIONS

les lusse pour réfuter quelques-uns de ses écrits ; ce qui acheva de m’apprendre à les connaître, et eut un effet rétroactif sur ses autres productions. Il m’est arrivé à son égard la même chose que par rapport à Moréri et à Varillas, deux auteurs dont j’ai été successivement l’admirateur et le critique, selon que je les ai lus ou par manière d’amusement, ou dans le dessein de rechercher s’ils avaient raison.

XX. Qu’on fasse encore cette remarque. On ne trouvera pas que ce que je blâme dans ses Prophéties, et dans son Esprit d’Arnauld, soit la même chose que j’y louais autrefois. J’y ai loué l’invention, l’esprit, le tour, le style, l’abondance des pensées ; et j’y blâme présentement les opinions, la médisance, etc. Il ne me tient donc pas entre les extrémités de lâche flatteur et d’infâme calomniateur, comme il s’est imaginé par sa coutume invétérée de ne suivre pas l’exactitude de la dialectique. Il y a un vaste milieu entre ces deux termes. L’opposition eût été plus juste entre panégyriste et censeur rigide. Mais, logique à part, je réponds à sa demande, que j’étais autrefois dans la bonne foi en le louant, et que je le censure aujourd’hui avec raison, ayant été mieux instruit. Donnons une marque de ma bonne foi. Son livre des Préjugés m’ayant paru inférieur aux autres, j’en parlai plus maigrement (et je sais qu’il s’en plaignit) ; et sa critique de M. l’abbé de Dangeau m’ayant paru faible en quelques endroits, je la critiquai sans façon.

On ne peut donc me reprocher que d’avoir suivi l’instinct d’une conscience erronée : mais comme ce sont des fautes que les tribunaux de la république des lettres ne pardonnent pas, le plus court pour moi est de déplorer ce temps de ténèbres, et d’avouer que ce sont des fils qui méritent l’exhérédation. C’est aussi le traitement que je leur fais, et c’est la meilleure réparation que je puisse faire.

Il n’est pas besoin que j’avertisse que pour bien connaître un homme, il le faut plutôt regarder dans les écrits où on le critique, les preuves toujours à la main, que dans les écrits où on le loue sans donner les preuves de son mérite.

Le 12 de septembre 1697.

SUITE
DES
RÉFLEXIONS
Sur le prétendu jugement du public.

Voilà tout ce que je croyais devoir dire sur ce prétendu Jugement du public ; mais l’ayant relu avant que les réflexions précédentes sortissent de chez le libraire, j’ai trouvé que je devais en ajouter quelques autres.

XXI. Expédions en trois mots ce que le censeur m’objecte touchant Salomon. J’ai dit qu’une politique à quelques égards de la nature de celle des Ottomans fit périr Adonija. Cela ne veut dire autre chose si ce n’est que Salomon le fit mourir pour n’être pas exposé aux guerres civiles qu’il avait sujet de craindre.