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PRÉFACE

soulager les éditeurs du Moréri, en leur facilitans les moyens de rendre curieux l’article d’Almain, il aurait dit pour le moins en gros ce que je viens d’observer ; mais il eût été nécessaire, afin de se rendre bien intelligible, qu’il eût marqué le rapport qu’il trouve entre le livre de ce docteur et les circonstances du temps, car on n’agite point en France la question si l’autorité du peuple est supérieure à celle du roi ; et pour ce qui est de la question, si les conciles sont supérieurs au pape, elle fut de saison à Paris pendant le pontificat d’Innocent XI, mais depuis ce temps-là elle est tombée dans l’oubli, et quiconque affecterait de la remuer se rendrait odieux. Il n’est donc point facile de connaître que les circonstances du temps aient dû engager M. Vaultier à parler du livre d’Almain avec un peu d’exactitude.

Nous pourrions montrer par d’autres exemples que ce n’est pas sans raison que nous avons dit que nous aurions pu faire plus de notes que nous n’en avons faites. Nous ne laissons pas d’assurer que les Remarques critiques dont on donne ici une seconde édition méritent d’être lues : elles sont courtes et vives, et n’ennuieront personne. Si nous voulions prévenir en leur faveur l’esprit des lecteurs, nous nous prévaudrions de ce qu’on expose dans le privilége du roi qu’elles ont été approuvées par M. Pouchard. C’est le nom d’un critique redoutable et qui a désolé plus d’un auteur dans le Journal des savans. La société de ceux qui composent ce journal a fait par sa mort une grande perte : il donnait du relief à cet ouvrage par le sel qu’il répandait sur les articles qui lui échéaient, et que les connaisseurs discernaient sans peine, et il ne possédait pas dans un moindre degré que ses confrères le talent de donner en peu de pages une idée suffisante d’un gros livre. Ce talent est rare parmi les journalistes, dont il y en a qui fatiguent cruellement leurs lecteurs en les ramenant trois ou quatre fois de suite sur le même ouvrage quelquefois bien médiocre, et qui serait traité avec assez de complaisance pourvu que l’on en parlât une fois. Je pense que M. Pouchard se moquait bien d’eux, et avec plus de raison que de quelques autres livres ; car il faut avouer que sa critique était un peu trop sévère. On s’en est plaint publiquement : j’en vais donner une preuve. « Si l’on avait censuré autrefois les ouvrages d’esprit de la même manière que l’on fait aujourd’hui, l’empire des lettres se trouverait désert, et plusieurs de ceux dont les premiers ouvrages n’ont pas réussi auraient cessé d’écrire, et ne seraient point devenus l’ornement de la France et l’admiration de toute l’Europe, où leurs écrits se sont répandus. On en voit encore aujourd’hui qui n’ont commencé à paraître dans le monde que par de simples élégies, et qui sont devenus des lumières de l’église. Enfin l’église, le barreau et plusieurs compagnies du royaume sont rem-