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DE M. BAYLE.

plis de savans dont les premiers ouvrages n’ont pas brillé [a]. »

Quel préjugé ne serait-ce pas pour les remarques sur la nouvelle édition du Moréri, que M. Pouchard les eût trouvées solides ! mais, comme nous ne voulons point surprendre les lecteurs, nous déclarons ici de bonne foi que l’approbation dont on parle dans le privilége ne consiste qu’en ce que M. Pouchard déclare qu’il les a lues par ordre de monseigneur le chancelier, et qu’il n’y a rien trouvé qui en puisse empêcher l’impression. Cela ne signifie autre chose sinon qu’elles ne contiennent rien contre la foi, ni contre les mœurs, ni contre l’état.

Si l’on objecte à notre auteur qu’il devait communiquer ses remarques à l’éditeur de Paris, et non pas les publier, il pourra répondre qu’il a voulu qu’elles servissent aux éditeurs de Hollande, et aux traducteurs du Moréri en anglais et en allemand. Et après tout il n’y aura que ces critiques chagrins qui ne sauraient endurer que rien échappe à leur censure, qui puissent trouver mauvais qu’il ait publié ses découvertes, et qu’il veuille continuer de se rendre utile aux éditeurs du Dictionnaire historique ; car, comme je l’ai déjà dit, il importe extrêmement qu’un pareil ouvrage soit purgé de tous ses défauts. Il est surprenant qu’ayant passé tant de fois sous les yeux des réviseurs et des correcteurs d’imprimerie, il soit encore si plein de fautes grossières, que par exemple l’on y trouve encore que Postel, né vers l’an 1477, mourut l’an 1581, âgé de près de cent ans [1]. Il n’y a point d’ouvrage qui eût dû faire des progrès aussi rapides que celui-là vers l’exemption des mensonges, car il a été lu par plus de gens que la plupart des autres livres, et les lecteurs les plus ignorans sont capables d’y découvrir quelques fautes. La première chose qu’ils font c’est d’y chercher le pays de leur naissance, et les villes où ils ont fait quelque séjour. Les méprises du Moréri dans de tels articles ne sauraient leur échapper. Ils devraient donc en faire avertir les libraires, ce qui serait très-aisé ; et comme chaque lecteur peut découvrir dans les matières de son ressort les mensonges de ce Dictionnaire, il pourrait facilement en communiquer une liste qui servirait à la correction des nouvelles éditions. Il faut avouer que l’indolence des lecteurs a été bien prodigieuse, car ils ont négligé presque tous de faire savoir ce

  1. Mercure Galant de janvier 1706, pag. 226, dans l’endroit où il parle de la mort de M. Pouchard, qui condamnait presque tous les ouvrages d’esprit.
  1. M. Bayle a relevé ci-dessous une semblable bévue, au sujet de M. de Sallo. Voyez ses remarques sur la Conclusion de notre auteur.

    Dans la dernière édition du Moréri, imprimée à Paris en 1725, on dit que Postel mourut le sixième septembre de l’an 1581, âgé de soixante et seize ans trois mois et neuf jours. Cette date est prise des Mémoires de Littérature de M. Sallengre, tom. I, pag. 24, qui l’a tirée de l’Histoire du Prieuré de Saint-Martin-des-Champs, par Martin Marrier, religieux et prieur claustral de ce monastère, où Postel a été enterré : Regalis Monasterii Sancti Martini de Campis, Parisiensis, Ordinis Cluniacensis Historia ; Parisiis, 1637, in-4o. Nouvelles Observations.