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VIE DE M. BAYLE.

moi avons réellement la même pensée.

» La dernière chose dont il me blâme, c’est de n’avoir pas ôté je suis de la lettre que j’ai insérée dans mes Nouvelles. Il n’y a que ce mot, dit-il, qui ne soit pas de sa majesté. Une reine comme elle ne peut se servir de ce terme qu’avec très peu de personnes, et M. de Terlon n’est pas de ce nombre, Cette seule circonstance vérifie assez que ce n’est pas la reine qui s’est avisée de faire imprimer cette lettre, comme tout le mande sait. À cela j’ai à répondre que je n’ai pas cru que la bonne foi voulût que je retranchasse cette conclusion je suis, parce qu’en la retranchant je donnais lieu de soupçonner que j’avais écarté de cette lettre une marque de supposition, afin de faire trouver plus vraisemblable au public qu’elle avait été écrite par la reine de Suède. Au reste, il m’est tombé entre les mains la copie d’une lettre où cette princesse témoigne qu’elle est étonnée et fâchée de la publication de l’autre, quoiqu’elle soit encore dans les mêmes sentimens. Les curieux seraient bien aises de voir ici tout du long cette seconde lettre ; mais le droit des gens ne souffre pas que je m’accommode à ce désir. Ce sont deux choses bien différentes, d’insérer une pièce fugitive déjà imprimée, et d’insérer un écrit non imprimé. Il faut, pour de simples manuscrits, ou attendre le consentement de ceux qui y ont quelque droit, ou avoir lieu de supposer qu’ils ne se soucient pas de ce que l’on en fera. »

L’inconnu ne fut pas entièrement satisfait de la réponse de M. Bayle ; il lui écrivit encore cette lettre.

« Monsieur,

» La reine a vu la réponse que vous ayez faite à ma lettre, et il faut vous rendre justice d’un côté, si vous avez eu tort de l’autre. Sa majesté ne trouve pas que ce soit manquer au respect qu’on lui doit, que de ne l’appeler simplement que du nom de Christine. Elle a rendu en effet ce nom si illustre, qu’il n’a plus besoin d’aucune autre distinction ; et tous les titres les plus nobles et les plus augustes dont on pourrait l’accompagner ne sauraient rien ajouter à l’éclat qu’il s’est déjà acquis dans le monde. J’avais cru que ce n’était pas bien parler que de traiter ainsi un prince pendant qu’il vivait ; mais je me suis abusé, et ceux qui sont du rang, et aussi pleins de gloire que Christine, ont des règles à part, et n’ont besoin que de leur nom pour répandre dans l’esprit des gens ce respect et cette vénération que les titres des autres impriment. Vous l’emportez sur cela, monsieur, et je me rends.

» Mais il n’en est pas de même du mot de protestantisme, qui vous est échappé un peu mal à propos, et où vous employez toute la finesse de votre esprit pour vous justifier. Il faut suivre mon exemple,