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VIE DE M. BAYLE.

l’éclaircissement que nous avons donné. Proprement : il n’y avait que ces paroles restes de protestantisme, qui eussent eu le malheur de lui déplaire ; car comme elle a beaucoup de délicatesse sur ce sujet, et qu’elle veut que toute la terre sache qu’après avoir bien examiné les religions elle n’a trouvé que la catholique romaine de véritable, et qu’elle l’a embrassée sincèrement, c’est offenser sa gloire que de donner lieu aux moindres soupçons contre sa sincérité. C’est pourquoi nous sommes très-marri d’avoir employé une expression que l’on a prise en un sens différent de celui où nous l’entendions, et nous nous fussions bien gardé de nous en servir si nous eussions prévu cela ; car outre le respect que nous devons avec tout le monde à une si grande reine, qui a été l’admiration de tout l’univers dès ses premières années, nous entrons avec ardeur dans l’engagement particulier qu’ont les personnes de lettres à lui rendre leurs hommages, à cause de l’honneur qu’elle a fait aux sciences d’en vouloir connaître à fond toutes les beautés, et de les protéger d’une façon éclatante. »

C’est ainsi que M. Bayle sortit avec honneur de cette affaire, et qu’il sut non-seulement apaiser une reine irritée, mais encore s’attirer des marques de sa bienveillance. Elle eut bientôt le déplaisir d’apprendre qu’il n’était point en état de satisfaire à la pénitence qu’elle avait bien voulu lui imposer. Il succomba sous le poids d’un travail trop opiniâtre. Outre ses leçons publiques et particulières, il était occupé de son journal, occupation qui seule demanderait le travail de plusieurs hommes. La composition du Commentaire philosophique acheva d’épuiser ses forces. Le 16 de février 1687, il fut attaqué d’une fièvre qui ne lui permit pas d’achever les Nouvelles de ce mois-là. Cependant, comme il espérait que cette indisposition n’aurait point de suites, il publia au revers du titre : « qu’un mal d’œil et une assez petite fièvre qui l’avait quitté plusieurs fois et qui était revenue aussitôt qu’il avait voulu recommencer son travail, l’obligeaient enfin à publier incomplètes les Nouvelles de ce mois, et à avertir aussi le public que celles de mars paraîtraient bientôt. » Mais sa fièvre, accompagnée de maux de tête, augmenta de telle sorte, qu’il fut obligé de renoncer tout-à-fait à ce travail. Il engagea M. de Bauval à continuer cet ouvrage, et M. de Bauval commença cette continuation, qui s’imprimait à Rotterdam chez le sieur Leers, par le mois de septembre 1687, sous le titre d’Histoire des ouvrages des savans. « Dès le mois d’avril dernier, dit-il dans la préface, l’auteur de la République des lettres ayant été attaqué de quelques indispositions et de quelques maux de tête, que M. de Balzac appellerait les tranchées de ses belles productions, me fit proposer de continuer son travail,