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VIE DE M. BAYLE.

auquel il était obligé de renoncer. J’avoue que, flatté peut-être par la gloire qu’il eût jeté les yeux sur moi, j’acceptai le parti sans faire toutes les réflexions que méritait l’entreprise. Je crus que son choix me tiendrait lieu de mérite et d’excuse auprès du public, et je me suis déterminé à donner quelques essais. Puisque je suis entré dans ce détail, ajoute-t-il, l’on voudra savoir aussi sans doute pourquoi je n’ai pas continué sous le même titre de M. Bayle. Il est vrai que cela eût été plus naturel : mais mes engagemens particuliers pour Rotterdam, l’abondance des meilleurs livres qui se trouvent chez M. Leers, et quelques autres raisons dont il n’est pas nécessaire de s’expliquer, m’ont fait préférer le changement. Après tout, j’ai cru qu’il était bon de traiter le public comme ces personnes affligées par la perte d’une personne chérie, qu’il ne faut jamais ramener dans les lieux qui peuvent rappeler le souvenir et réveiller les idées de l’objet qui cause leur tristesse. On aurait toujours cherché dans les Nouvelles de la république des Lettres l’illustre auteur qui leur a donné la naissance, et le même titre mal soutenu n’aurait servi qu’à redoubler les regrets d’avoir perdu un homme inimitable. »

Cependant le sieur Desbordes, qui avait imprimé les Nouvelles de la république des lettres, les fit continuer par M. de Larroque et par quelques autres personnes, jusqu’au mois d’août de la même année ; et M. Barin, ministre français, y travailla seul depuis le mois de septembre jusqu’au mois d’avril 1689.

Nous avons vu le soin que M. Bayle avait pris pour n’être pas cru l’auteur du Commentaire philosophique. Il tâchait de dépayser même ses amis. « Ces messieurs de Londres, disait-il à M. Lenfant [1], ont une étrange démangeaison d’imprimer. On leur attribue un Commentaire philosophique sur les paroles de saint Luc, Contrains-les d’entrer, qui, en faisant semblant de combattre les persécutions papistiques, va à établir la tolérance des sociniens. » Il feignait que ce Commentaire venait de Londres, parce que quelques ministres réfugiés, qui y étaient alors, passaient pour être grands tolérans, et s’étaient même rendus suspects de socinianisme. On ne laissa pas de le soupçonner d’en être l’auteur. Pour arrêter ce soupçon, il fit publier au revers du titre des Nouvelles du mois d’avril 1687 [2], que « quelques personnes mal intentionnées pour l’auteur de la Critique générale du sieur Maimbourg, ayant affecté de lui attribuer le Commentaire philosophique sur Contrains-les d’entrer, il s’était cru obligé de se plaindre de ce mauvais office, et de déclarer qu’il regarderait comme des persécuteurs à son

  1. Lettre du 3 de février 1687, p. 281, 282.
  2. Il y a des exemplaires où cela ne se trouve point.