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PRÉFACE

est propre et pour les savans, et pour ceux qui ne le sont pas. Les éditions de Hollande le font courir par toute la terre : tous les curieux l’achètent et l’étudient. J’eusse donc été blâmable de parler des choses qui s’y rencontrent : faut-il faire acheter deux fois les mêmes histoires ? J’ai donc mieux aimé m’abstenir d’une matière si féconde, et si aisée à trouver, que de redire ce que l’on pouvait apprendre plus commodément ailleurs.

Je me suis vu resserré par d’autres endroits. À peine cet ouvrage était commencé que j’ouïs dire que l’on imprimait à Londres une traduction anglaise du Dictionnaire de Moréri, avec une infinité d’additions [1] ; et qu’on travaillait en Hollande à un ample supplément de ce même Dictionnaire. Dès lors je me crus obligé à ne plus parler des hommes illustres de la Grande-Bretagne : je jugeai que de l’édition anglaise ils passeraient tous dans le supplément de Hollande, et qu’ainsi l’on achèterait deux fois la même chose, si je n’y mettais bon ordre en me privant d’une matière aussi riche que celle-là, et aussi propre à faire honneur à un dictionnaire. La même raison a fait que je discontinuai la recherche des hommes illustres qui ont fleuri dans les Provinces Unies [2], et que j’ai très-peu parlé de ce qui concerne ou l’histoire ou la géographie de cet état. Je compris sans peine que le supplément. de Hollande traiterait de toutes ces choses amplement et exactement. Je compris aussi qu’on y narrerait, avec beaucoup d’étendue, ce qui s’est fait de nos jours dans toute l’Europe. Voilà pourquoi je ne touche point à ces histoires modernes. D’autre côté, j’ouïs dire qu’on allait donner Paris une nouvelle édition de M. Moréri fort augmentée. Cela me fit prendre le parti de supprimer beaucoup de choses, et d’arrêter mes recherches sur plusieurs sujets que je n’eusse pu traiter qu’imparfaitement, en comparaison de ce que nous en pourraient apprendre ceux qui travaillaient à cette nouvelle édition. Ils sont sur les lieux, et à portée de consulter les bibliothéques mortes et les bibliothéques vivantes. Il faut donc leur laisser toute entière cette occupation, et ne leur pas faire le chagrin d’effleurer une matière qui sera lue avec plus d’empressement, si elle paraît dans tout son lustre, par leur moyen, avant que d’autres l’entament.

Mais outre ces nouvelles éditions et ces nouveaux supplémens du Dictionnaire de Moréri, il y a eu d’autres choses qui m’ont mis fort à l’étroit. M. Chappuzeau travaille depuis long-temps à un dictionnaire historique. On peut être très-certain qu’on y trouvera, parmi une infinité d’autres matières, ce qui regarde la situation des peuples, leurs mœurs, leur religion, leur gouvernement, et ce qui concerne les maisons royales, et la généalogie des grands seigneurs [3]. Vous y trouverez en particulier, avec

  1. Elle a paru, si je ne me trompe, l’an 1695.
  2. On n’a parlé que de quelques-uns dont on avait déjà en main ou les Vies ou les Oraisons funèbres.
  3. Voyez le plan qu’il publia de son Dictionnaire l’an 1694.