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VIE DE M. BAYLE.

mez pas l’argent à dessein de thésauriser : je le veux croire puisqu’on le dit ; vous l’aimez pourtant pour l’usage qu’il vous plaît d’en faire, de quoi je ne me mêle point..... Mais, monsieur, croyez-vous qu’on ne sache pas dans le monde la véritable raison pour laquelle vous avez discontinué vos Nouvelles de la république des lettres ? On n’ignore pas que incommodité qui vous survint en fournit le prétexte ; mais on sait aussi que vous prétendiez en tirer une plus grande récompense que celle que vous en tiriez d’abord, et que le libraire n’ayant pas voulu vous accorder l’augmentation que vous demandiez, votre traité fut rompu, et que vous discontinuâtes votre ouvrage pour cela ; c’est-à-dire que l’appétit vous était accru à mesure que votre réputation se fortifiait. » Qui pourrait s’imaginer qu’on voulût rapporter un fait avec autant de confiance, sans avoir pris toutes les mesures nécessaires pour s’en assurer ? Cependant écoutons M. Bayle : Je ne sais, dit-il [1], comment qualifier la fausseté d’un certain déclamateur qui vient de publier, comme une chose certaine, que M. Bayle ne discontinua les Nouvelles de la république des lettres, que parce que son libraire ne lui voulut pas donner tout l’argent qu’il lui demandait. Le libraire est plein de vie ; il s’appelle Henry Desbordes ; il demeure à Amsterdam, dans le Kalverstraat : on peut s’éclaircir de ce qui en est avec la plus grande facilité du monde ; et voici un homme qui, sans prendre la peine de s’en informer, ce qui n’eût retardé que d’un jour ou deux la publication de sa merveilleuse Lettre, ose s’embarrasser dans un infâme mensonge publiquement, sur quoi on le peut couvrir de confusion, s’il est capable de quelque honte, par l’exhibition de la signature du sieur Desbordes. Mais cet auteur n’était pas capable de rougir. Il répondit froidement : « [2] On n’a pas cru être obligé de consulter Henry Desbordes sur le fait qu’on a avancé touchant l’interruption des Nouvelles de la république des lettres : on en a parlé comme on a fait, sur le témoignage d’un imprimeur qui travaillait en ce temps-là pour ledit Desbordes, parce qu’il n’a eu aucun intérêt à déguiser les choses. Ainsi on a cru qu’il les disait comme elles sont. On s’en rapporte à ce qui en est, parce que la chose est fort peu importante en elle-même et qu’elle ne fait ni grand bien ni grand mal à l’affaire principale. » Voilà quelle était la méthode de ces faiseurs de libelles ; ils publiaient sur des ouï-dire tout ce qu’ils pouvaient recueillir de plus infamant contre M. Bayle ; et lorsqu’on les avait convaincus de calomnie, ils disaient qu’ils s’en rapportaient à ce qui en était ; et, en cela, ils ne faisaient qu’imiter M. Jurieu, qui remplissait ses

  1. Lettre sur les petits livres publiés contre la Cabale chimérique, p. 6, 7.
  2. Courte réfutation de la lettre écrite en faveur du sieur B., pour la défense de sa Cabale chimérique, p. 15, 16.