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VIE DE M. BAYLE.

factums d’imaginations fausses et chimériques. C’est ainsi qu’il répéta plusieurs fois que M. Bayle avait demeuré trois ans chez les Jésuites de Toulouse ; quoiqu’il n’eût jamais demeuré chez eux, et que son séjour à Toulouse n’eût été que de dix-huit mois, comme nous l’avons déjà vu. Il avait des espions partout qui lui écrivaient ou lui rapportaient ce qu’on disait, et qui d’ordinaire le rapportaient infidèlement. On juge bien que ces espions étaient la lie des réfugiés : il y en avait même de si décriés, que quelques-uns de ses partisans en furent honteux. Un de ses amis ne put s’empêcher de lui écrire qu’il se déshonorait par ses liaisons avec un certain ministre réfugié de Londres. M. Jurieu lui répondit : C’est un fripon, il est vrai, mais il est orthodoxe ; ce qui fit qu’on appelait ordinairement ce ministre le fripon orthodoxe.

Il parut encore un écrit de douze pages contre la Lettre de M. Bayle, intitulé : Lettre à Monsieur ***, au sujet d’un libelle qui a pour titre : Lettre sur les petits livres publiés contre la Cabale chimérique. L’auteur attribue cette Lettre à M. de Bauval avec plus d’assurance que n’avait fait celui de la Lettre à M. Bayle. Du reste, le même esprit se remarquait dans l’un et dans l’autre. Avant que ces trois écrits parussent, M. de Bauval en publia un de huit pages, intitulé : Copie d’une Lettre écrite à M. S.... touchant l’auteur des Remarques générales sur la Cabale chimérique. Après avoir raillé finement l’auteur des Remarques générales, qu’il croyait être M. de Limeville, il rapportait la requête de M. Jurieu et en découvrait tout le ridicule. Il fit aussi quelques réflexions sur l’injuste inégalité que M. Jurieu prétendait qu’on devait mettre entre lui et M. Bayle.

La première édition de la Cabale chimérique ayant été bientôt distribuée, M. Bayle en fit une seconde corrigée et fort augmentée. Il mit au revers du titre un petit avertissement où il priait le lecteur de ne pas juger de cet ouvrage par les premiers chapitres, dans lesquels on a dû être sec, et où l’on n’avait pas pu éviter les minuties ; mais qu’on trouverait que la suite était un peu plus vive et moins ennuyeuse, si on se donnait la peine de lire tout. Cette édition ne parut pas aussitôt qu’elle eut été achevée d’imprimer. M. Bayle en arrêta assez long-temps la vente, à cause que les bourgmestres de Rotterdam avaient défendu à tous les libraires de cette ville, de débiter ce qui s’imprimerait sur cette affaire [1]. Mais lorsqu’il vit que M. Jurieu publiait ses factums, il se crut en droit de donner aussi la seconde édition de sa Cabale chimérique. Cependant il ne voulut pas marquer dans le titre qu’elle eût été imprimée à Rotterdam, ni que ce fût une seconde édition corrigée et augmentée. Comme ce titre est un peu : différent du premier, je le rapporterai ici : La Cabale chimérique, ou Réfutation de l’Histoire fabuleuse et des calomnies que M. J. vient

  1. Lettre à M. Minutoli, du 27 d’août 1691, p. 392.