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VIE DE M. BAYLE.

et je proposai qu’on priât quelques ministres des églises wallonnes du voisinage et quelques ministres de l’église flamande de Rotterdam de se joindre au consistoire, et qu’on priât même messieurs les magistrats de députer quelques personnes de leur corps pour assister à la discussion de cette cause ; mais toutes mes demandes furent rejetées à la pluralité des voix : ma partie obtint que l’affaire fût renvoyée au synode. Il se trouva en personne au synode qui se tint peu de jours après à Ziriczée, et n’y dit pas un mot de notre procès ; il ne voulut pas même consentir qu’on communiquât les actes du consistoire au synode, quoique le consistoire eût chargé ses députés de le faire. »

Dans ce temps-là, M. Bayle, déguisé sous le nom de Carus Larebonius, publia un ouvrage latin contre le livre de M. Jurieu, intitulé Le vrai système de l’Église ; et comme il n’y a point de titre à quoi l’oreille soit plus accoutumée qu’à celui du Janua Linguarum reserata de Comenius [1], il l’intitula : Janua Cœlorum reserata cunctis religionibus ; à celebri admodùm viro domino Petro Jurieu, Roterodami verbi divini pastore et theologiæ professore.

Porta patens est, nulli claudatur honesto.


Amstelodami excudebat Petrus Chayer. M. DC. XCII. In-4. Il y avait long-temps que cet ouvrage était composé ; car il en parlait dans sa Cabale chimérique comme d’un écrit prêt à être mis sous la presse. « Je connais un homme, disait-il [2], qui a une dissertation latine prête à être donnée à l’imprimeur, sous le titre de Janua Cœlorum reserata, où il montre que le Système de l’Église de cet auteur est l’éponge de la réformation ; qu’il en ruine toute la nécessité, et qu’il sauve tous les honnêtes gens dans toutes sortes de religions. » C’était attaquer M. Jurieu par l’endroit le plus sensible. Cet ouvrage passait pour le meilleur qu’il eût fait ; et de tous ses écrits, M. Nicolle n’avait trouvé que celui-là qui fût digne de réponse [3]. M. Bayle y fait voir que M. Jurieu, tout intolérant qu’il était, avait ouvert la porte des cieux, non-seulement à toutes les sectes du christianisme, mais même aux juifs, aux mahométans et aux païens. Ce livre, écrit dans une langue entendue de tous les savans, mortifia extrêmement M. Jurieu. Il n’osa pas se hasarder d’y répondre ; mais ayant enfin publié un écrit pour la défense de sa doctrine, intitulé : Seconde apologie pour M. Jurieu, ou réponse à un libelle sans nom, présenté aux synodes de Leyden et de Naerden, sous le titre de Lettre à messieurs les ministres et anciens qui composent le synode assemblé à Leyden, le 2 de mai 1691 ; il y mit à la fin une espèce d’avertissement où il affecta de mépriser cet ouvrage, et rap-

  1. Voyez dans le Dictionnaire historique et critique, l’article Coménius, t. V, p. 263.
  2. Pag. 163, 164, de la 1re. édit. ; et pag. 192, 193, de la 2e. édit.
  3. Voyez l’article Coménius, t. V, p. 269, rem. (N).