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VIE DE M. BAYLE.

plus long-temps la publication de ce nouvel avis ; et qu’il promettait par avance, si la chose en valait la peine, de renverser bientôt toutes les nouvelles machines du délateur.

Ce factum parut quelque temps après sous le titre de Factum selon les formes, ou disposition des preuves contre l’auteur de l’Avis aux réfugiés, selon les règles du barreau, qui font voir que sur de telles preuves, dans les crimes capitaux, on condamne un criminel accusé. M. Jurieu y mit un avertissement où il dit qu’une maladie qui le retenait depuis huit mois dans une grande faiblesse l’avait empêché de continuer à écrire contre l’auteur de l’Avis aux réfugiés ; mais que d’autres y avaient suppléé. Il ajoute que ce Factum était l’ouvrage d’un avocat de Paris, à quelques chapitres près qu’il y avait ajoutés. Cet écrit n’a rien de nouveau que la forme. On y répète les prétendues présomptions de M. Jurieu, cent fois réfutées ; on les range sous différens chefs, et on les accompagne d’un commentaire tiré des libelles de M. Jurieu et de ses adhérens. M. Bayle méprisa sagement cet écrit ; il ne voulut pas seulement le lire, comme il l’apprend à M. Minutoli. « M. Jurieu, dit-il [1], a publié tout de nouveau un gros Factum contre moi, que personne ne m’a conseillé de lire (et j’ai suivi ce conseil ), où il ne fait que répéter toutes ses anciennes chicaneries, sans faire semblant de savoir qu’on les a réfutées pleinement. Il a fait, à ce qu’on m’a dit, revenir sur les rangs la Cabale de Genève et du Projet de paix, sans avoir égard ni à ce qu’il vous a écrit, pour vous reconnaître innocent, ni à l’aveu que font ses plus outrés partisans, qu’il a eu tort de m’attaquer sur cela, et qu’il devait se contenter de l’autre accusation. » Les partisans de M. Jurieu souhaitaient qu’il ne se fût attaché qu’à l’accusation qui regardait l’Avis aux réfugiés ; mais ils n’en jugeaient ainsi qu’après coup, et parce qu’ils voyaient que tout ce qu’il avait dit de la Cabale de Genève et du Projet de paix était évidemment faux et chimérique.

C’est là le dernier écrit qui parut sur ce sujet. Le silence judicieux de M. Bayle mit fin à cette contestation. Il avait ruiné toutes les prétendues présomptions de M. Jurieu, et les écrits de ses partisans n’étaient, comme on l’a déjà remarqué, que fades et ennuyeuses répétitions, raisonnemens ridicules, et fausses interprétations de ce qu’il avait dit.

Cependant on ne convenait point du véritable auteur de l’Avis aux réfugiés. Dès que cet ouvrage fut connu en France, on l’attribua à M. Pélisson. M. Wellwood, célèbre médecin de Londres, qui publiait toutes les semaines un écrit anonyme sous le titre d’Observateur, en parla sur ce pied-là dans sa feuille du 22 d’août 1690, six mois avant que M. Jurieu se fût avisé de l’attribuer à M. Bayle. Car ce ne fut qu’au mois de janvier 1691 qu’il commença de

  1. Lettre du 28 d’août 1692, p. 445.