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VIE DE M. BAYLE.

ment de cette affaire, et il me répondit que, conformément à ma prière, il avait employé un de ses amis qui connaissait intimement M. Pélisson, de s’informer de lui touchant la vérité de ce bruit commun ; et que M. Pélisson avait bien voulu laisser croire à la personne qui lui parlait qu’il en était l’auteur, quoiqu’il ne voulût pas lui-même l’avouer positivement, ajoutant qu’il n’était pas à propos pour le service du roi qu’il reconnût ce livre publiquement pour sien, quand même il en serait l’auteur. En un mot, cette illustre personne me dit que non-seulement c’était son sentiment, mais encore le sentiment universellement reçu à Paris, que M. Pélisson était l’auteur de l’Avis aux réfugiés, ce qu’il confirma par un grand nombre d’argumens probables qu’il n’est pas nécessaire de rapporter ici. Le livre même paraissant à Londres peu de temps après, je pris occasion de rapporter ce que mon ami m’en avait dit ; et en même temps j’assurai sur son témoignage que je croyais en connaître l’auteur, voulant dire M. Pélisson, avec qui j’avais fait quelque connaissance à Paris il y a neuf ans. »

M. de la Bastide [1] croyait aussi que M. Pélisson était l’auteur de l’Avis aux réfugiés. Il le disait ouvertement, et par-là il attira la haine de M. Jurieu [2]. Le suffrage de M. de la Bastide était d’un grand poids ; il avait vécu dans une étroite amitié avec M. Pélisson pendant plus de vingt-cinq ans ; il avait été avec lui commis de M. Fouquet, et lorsque M. Pélisson fut mis à la Bastille, il entretenait avec lui un commerce régulier de lettres sur des matières de controverse : car, dès ce temps-là, M. Pélisson penchait vers le catholicisme. Une si grande liaison lui avait fait connaître le tour d’esprit et les expressions favorites de M. Pélisson. M. de la Bastide avait beaucoup lu ses ouvrages de controverse ; il en avait même réfuté quelques-uns. Lorsque l’Avis aux réfugiés parut, il trouva une si grande conformité entre cet écrit et les livres de M. Pélisson, qu’il ne balança pas à l’en croire l’auteur. Cependant, il ne jugea pas à propos d’écrire sur ce sujet durant la vie de M. Pélisson ; mais après sa mort il composa une dissertation [3] pour prouver cette conformité. « Je me suis proposé, dit-il, de mettre ici sur le papier diverses observations générales et particulières qui, toutes ensemble, font connaître évidemment que c’est en effet l’auteur des Réflexions sur les différens de la religion qui l’est aussi de l’Avis aux réfugiés, et que ce dernier écrit n’est proprement qu’une suite

  1. Voyez son éloge dans l’Histoire des ouvrages des savans, décembre 1704, art. XIV, p. 548.
  2. Voyez la Revue de l’Histoire de M. Bayle, etc., dans le recueil imprimé à Amsterdam en 1716, sous le titre d’Histoire de M. Bayle et de ses ouvrages, etc., p. 182 et suiv.
  3. Cette dissertation a été publiée dans le recueil intitulé Histoire de M. Bayle, etc., p. 297 et suiv. M. de la Bastide m’en donna une copie qui est plus exacte que celle qu’on a imprimée.