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VIE DE M. BAYLE.

de l’Avis ne regardaient qu’une très-petite partie des réfugiés, une poignée de réfugiés retirés en Hollande. Il n’y avait qu’eux qui écrivissent. Les réfugiés de Suisse, d’Allemagne et d’Angleterre, n’avaient rien fait imprimer [1] : M. Bayle ne l’ignorait pas ; il ne pouvait donc les avoir en vue, non plus que ceux de Hollande qui n’avaient point écrit, et qui blâmaient même la conduite de quelques-uns de leurs confrères.

Ainsi, quand M. Bayle serait l’auteur de l’Avis aux réfugiés, on ne pourrait dire autre chose touchant les motifs qui l’auraient porte à écrire cet ouvrage, sinon qu’il était chagrin de voir qu’on repaissait de chimères et de visions apocalyptiques l’esprit d’un grand nombre de réfugiés, ce qui les rendait la risée de toute l’Europe ; qu’ayant une aversion extrême pour l’esprit de satire et de méfiance, il était indigné de voir que des réfugiés écrivissent des libelles contre des personnes respectables, et même contre des têtes couronnées ; qu’on s’était vengé cruellement sur son frère de la Critique de M. Maimbourg, et qu’à plus forte raison il y avait lieu de craindre qu’on ne se vengeât de ces écrits satiriques sur les réformés qui restaient en France ; qu’il savait que dans ce royaume les rois se regardent comme absolus, et qu’il n’y est pas permis de dire le contraire ; qu’ainsi il avait voulu faire entendre que les écrits des réfugiés qui attaquaient cette souveraineté ne servaient qu’à les rendre odieux et à empêcher leur retour ; qu’ayant été élevé dans les sentimens de l’indépendance et de la souveraineté des rois, sentimens qui étaient enseignés dans les églises réformées, il ne fallait pas être surpris qu’il eût combattu si vivement l’opinion contraire ; qu’étant mal instruit des affaires d’Angleterre, il n’avait par cru que la religion anglicane courût aucun risque, et qu’il avait regardé la révolution comme un effet de la politique et non de la nécessité ; qu’il avait pris le masque d’un catholique romain pour donner plus d’autorité à ses remontrances, pour les rendre plus vives, plus piquantes et plus capables de faire impression ; « que puisque l’auteur de l’Avis, selon M. Jurieu lui-même, s’était proposé de mettre les réfugiés en état de rentrer en France, ce qui n’était point l’esprit des papistes français [2], il fallait, ainsi que le remarquait M. Bayle [3], qu’il eût plus à cœur les intérêts des protestans que ceux des papistes ; et qu’ainsi ce qu’il disait en papiste outré n’était pas son véritable sentiment, mais le discours d’un homme qui voulait soutenir le personnage sous lequel il s’était déguisé ; que cet auteur, comme disait encore M. Bayle [4], n’avait

  1. Il faudra, dit M. Jurieu, justifier les réfugiés qui sont à Londres, et répandus dans toute l’Angleterre, qui sont à Berlin, en Brandebourg, en Hesse, en Suisse, dans toute l’Allemagne et à Genève ; car je n’entends point parler que dans tous ces lieux il paraisse de ces livrets qu’on appelle des libelles. La province de Hollande est le seul théâtre où l’on voit paraître tous ces écrits. Examen de l’Avis aux réfugiés, p. 67, 68.
  2. Examen de l’Avis, p. 13.
  3. Chimère démontrée, préf., p. cix, cx.
  4. Ibid., p. cxj, cxij.