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VIE DE M. BAYLE.

fait que ramasser les vieilles et les nouvelles objections des catholiques les plus passionnés et les plus malins, les réflexions des flatteurs sur les événemens de la première campagne, le poison que l’on répandait sur tout le corps des réfugiés pour la faute de quelques auteurs, etc., le tout afin de fournir matière à un désaveu utile, et à une réponse qui confondît la malice des persécuteurs des réformés, et la vanité des flatteurs, et qui tirât les réfugiés du ridicule où les mettaient leurs prophéties : chose qui fut autrefois très-funeste aux protestans fugitifs des états de l’empereur [1]. » On pourrait ajouter que M. Jurieu, qui infatuait les réfugiés de ses prophéties, et qui avait publié plusieurs écrits que l’auteur de l’Avis traitait de libelles ; que M. Jurieu, dis-je, qui était le principal objet de cet auteur, s’était acquis une espèce de domination sur les réfugiés (Q), de sorte qu’il n’était pas possible d’obtenir un désaveu des écrits dont on se plaignait, qu’en y intéressant tout le corps. Ce moyen même ne réussit point : les synodes qui auraient dû faire ce désaveu gardèrent le silence, personne n’osant parler crainte de s’attirer une violente persécution de la part de M. Jurieu. On pourrait encore dire qu’en général les reproches que M. Bayle mettait dans la bouche d’un catholique avaient été réfutés mille fois, et que M. Bayle lui-même y avait répondu avec succès dans ses Lettres contre Maimbourg ; enfin que M. Bayle avait dessein de réfuter l’Avis [2], et qu’on aurait dû l’engager à y travailler au lieu de l’en détourner par des accusations outrageantes.

Voilà, ce me semble, le jugement qu’une personne équitable et désintéressée pourrait faire de cet écrit, et du but de l’auteur, si c’est M. Bayle. Cependant, M. Bayle a toujours protesté à ceux qui étaient le plus avant dans sa confidence que le livre n’était point de lui, ainsi il faut l’effacer du catalogue de ses ouvrages ; du moins cela suffit pour ne le point alléguer en preuve contre lui ; et puisqu’il l’a constamment nié, l’équité ne permet pas qu’on le cite en témoignage pour noircir sa mémoire. Ce sont là les propres paroles de M. de Bauval [3].

Les accusations qu’on intenta à M. Bayle avaient interrompu ses travaux littéraires. L’étude demande une parfaite tranquillité. M. de Bauval avait annoncé, dans le mois de novembre de l’année 1690 [4], un ouvrage intitulé : Projet d’un Dictionnaire critique, où l’on verra la correction d’une infinité de fautes répandues soit dans les Dictionnaires, soit dans d’autres livres. « C’est, ajoutait M. de Bauval, le titre d’un livre qu’un habile homme a dessein d’entreprendre. Comme il veut avoir l’avis et les lumières des savans sur son dessein, il va faire impri-

  1. Voyez l’article Coménius, t. V, p. 267, rem. (K).
  2. Voyez la Chimère démontrée, p. 307 ; et la Réponse à l’Apologie de M. Jurieu, par M. de Bauval, p. 8.
  3. Éloge de M. Bayle.
  4. Pag. 136.