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VIE DE M. BAYLE.

n’était point capable de l’exécuter : qu’ainsi il se bornait à ne produire qu’une ébauche, qui ne contiendrait qu’un volume in-folio, laissant aux personnes qui avaient la capacité requise le soin de la continuation en cas qu’on jugeât que ce projet, rectifié partout où il serait nécessaire, méritât d’occuper la plume des habiles gens ; mais que, comme il avait prévu que cette ébauche aurait assez d’étendue pour l’engager à un très-pénible travail, et que d’ailleurs il se défait beaucoup de la manière dont il exécuterait son projet, il avait pris la résolution de hasarder quelques fragmens de cet ouvrage, afin de pressentir le goût du public, et par-là se déterminer ou à poursuivre son dessein ou à l’abandonner. Ces Fragmens contenaient les articles d’Achille, d’Antoine Arnauld, de Jeanne d’Aragon, de L. Cornelius Balbus, de l’auteur déguisé sous le nom d’Etienne Junius Brutus, des Cassius en général, et en particulier de Spurius Cassius Viscellinus, de L. Cassius Longinus, de C. Cassius Longinus, de T. Cassius Severus, qui lui donne occasion de faire une Digression concernant les libelles diffamatoires. Il y mit aussi les articles de L. Cassius Hemina, de C. Cassius Longinus, de Catius, de Comenius, d’Erasme, de la maréchale de Guebriant, de l’Hippomanes, du Jour, de madame Des Loges, des trois sœurs Anne, Marguerite, et Jeanne Seymour, de Marie Touchet, et de Zeuxis. Tous ces articles étaient personnels, excepté ceux de l’Hippomanes et du Jour, que M. Bayle appelait réels, parce qu’ils n’appartiennent ni à des personnes, ni à des lieux, ni par conséquent aux dictionnaires historiques et géographiques [1].

1693.

Le plan de ce nouveau Dictionnaire ne fut pas goûté, quoiqu’un pareil ouvrage eût pu être très-utile. M. Bayle l’abandonna ; mais en même temps il forma le dessein d’un autre Dictionnaire, auquel il travailla avec tant de diligence, que l’impression en fut commencée au mois de septembre de l’année 1693. Cependant il avait été souvent détourné de ce travail par les embarras que lui causait M. Jurieu. Il en fit le récit à M. Constant le 29 de juin, pour s’excuser de ne lui avoir pas écrit plus tôt. « J’ai été dans de grands embarras, dit-il [2], depuis trois ou quatre mois, à cause des machinations de mon accusateur, qui, ayant intéressé le consistoire flamand dans sa querelle contre moi, a obtenu que cette compagnie ferait examiner mon livre des Comètes, et irait dénoncer aux bourgmestres que ce livre est plein de propositions dangereuses et impies, en sorte qu’il n’est nullement de leur devoir de donner pension à un professeur qui a de tels sentimens. Voilà le biais dont il se sert, débouté par la nullité et la témérité de ses autres accusations. Il a fallu que j’aie fait des visites, afin d’éclaircir les gens sur les prétendues héré-

  1. Au commencement de l’article Hippomanes, voyez la note, t. XV, p. 189.
  2. Lettre du 29 de juin 1693, p. 510.