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VIE DE M. BAYLE.

mer une préface, dans laquelle il expliquera particulièrement son Projet. » Cet auteur, c’était M. Bayle. Il se proposait de publier ce Projet peu de mois après, et on en commença l’impression au mois de décembre suivant. Les articles des trois premières lettres étaient presque tous dressés, et pendant qu’on les aurait imprimés, M. Bayle devait préparer les autres avec la préface. Mais les violentes attaques de M. Jurieu l’obligèrent d’interrompre ce travail dès que la première feuille eut été tirée, de sorte qu’il abandonna ce projet peu de temps après l’avoir formé. Il se passa plus d’un an avant qu’il le reprît ; et lorsque enfin le sieur Leers le pressa d’y travailler, il fallut qu’il se jetât sur les premières matières que le hasard lui présenta avant que d’avoir pu rassembler les livres dont il avait besoin [1].

Cet ouvrage parut au mois de mai 1692 [2], sous ce titre : Projet et Fragmens d’un Dictionnaire critique. À Rotterdam, chez Reinier Leers. M. DC. XCII. In-8o. Dans une longue préface adressée à M. du Rondel, professeur aux belles-lettres à Mastricht, M. Bayle donna une idée de ce projet. Il dit qu’il avait dessein de composer un Dictionnaire qui contiendrait toutes les faussetés ou erreurs de fait qui se trouvaient dans les autres dictionnaires, et un supplément à leurs omissions sur chaque article. Il promettait même de ne se pas renfermer dans ces espaces, quelque vastes qu’ils fussent ; mais de faire aussi des courses sur toutes sortes d’auteurs quand l’occasion s’en présenterait. Après cela, il faisait voir l’utilité d’une telle compilation. « Ne serait-il pas à souhaiter, dit-il, qu’il y eût au monde un Dictionnaire critique auquel on pût avoir recours pour être assuré si ce qu’on trouve dans les autres dictionnaires et dans toute sorte d’autres livres est véritable ? Ce serait la pierre de touche des autres livres, et vous connaissez un homme un peu précieux dans son langage qui ne manquerait pas d’appeler l’ouvrage en question la chambre des assurances de la république des lettres.... Vous voyez bien que si, par exemple, j’étais venu à bout de recueillir sous le mot Sénèque tout ce qui s’est dit de faux de cet illustre philosophe, on n’aurait qu’à consulter cet article pour savoir ce que l’on devrait croire de ce qu’on lirait concernant Sénèque dans quelque livre que ce fût ; car si c’était une fausseté, elle serait marquée dans le recueil, et dès qu’on ne verrait pas dans ce recueil un fait sur le pied de fausseté, on le pourrait tenir pour véritable. Cela suffit pour montrer que si ce dessein était bien exécuté, il en résulterait un ouvrage très-utile et très-commode à toutes sortes de lecteurs. » M. Bayle ajoute qu’il sentait bien ce qu’il faudrait faire pour exécuter parfaitement cette entreprise, mais qu’il sentait encore mieux qu’il

  1. Voyez l’avis du libraire, imprimé au revers du titre du Projet et fragmens, etc.
  2. L’avis du libraire est daté du 5 de mai 1692.