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VIE DE M. BAYLE.

faux ; mais pour l’autre, qui ordonne d’oser dire tout ce qui est vrai, je ne me saurais vanter de l’avoir toujours suivie ; je la crois quelquefois contraire non-seulement à la prudence, mais aussi à la raison. » Cependant il était très-éloigné de croire que cet ouvrage fût exempt de fautes. « Je ne doute point, dit-il, qu’outre mes péchés d’omission, qui sont infinis, il ne m’en soit échappé un très-grand nombre de commission. Je m’estimerai très-redevable à ceux qui auront la bonté de me redresser ; et, si je ne m’étais point attendu aux bons avis des lecteurs intelligens et équitables, j’aurais gardé plusieurs années cet ouvrage dans mon cabinet, selon le conseil des anciens, afin de le corriger et le rendre un peu moins indigne des yeux du public ; mais, considérant qu’il me restait des matériaux pour deux autres gros volumes, je me suis hâté de me produire. J’ai compris sans peine que je serais secouru plus utilement et plus à propos, quand on saurait ce qui me manque, et en quoi je manque. J’espère qu’avec ces secours la suite de cet ouvrage sera meilleure qu’elle n’eût été. J’y vais travailler incessamment tandis que l’âge me le permet. Je ne vois rien à quoi je puisse mieux employer ni plus agréablement le loisir dont je jouis, loisir qui me paraît préférable à toutes choses, et qui a toujours paru infiniment souhaitable à ceux qui ont aimé comme il faut l’étude des sciences. »

Il marque après cela de quelle manière il s’est conduit à l’égard du Dictionnaire de Moréri. Il dit qu’il a passé sous silence beaucoup de sujets, parce qu’ils se trouvent avec assez d’étendue dans cet ouvrage ; que, quand il a donné les mêmes articles qui se voient dans le Moréri, il y a été déterminé, ou parce que cet auteur en disait peu de chose ; ou parce qu’ayant la vie de quelque personne illustre, il se trouvait en état d’en faire un narré complet ; ou parce que, de plusieurs choses détachées et assez curieuses, il pouvait former un supplément raisonnable ; qu’il renvoie le lecteur à ce Dictionnaire à l’égard des faits tant soit peu considérables ; que, lorsqu’il a donné le même article que Moréri, il a mis à part dans une remarque les erreurs qu’il a trouvées dans cet auteur ; mais qu’il n’a point touché à celles qui se rencontrent dans les articles qui ne leur sont pas communs, quoiqu’elles ne soient pas moins considérables ni moins fréquentes dans ces articles que dans les autres ; d’où il conclut que son Dictionnaire n’est point destiné à diminuer le débit de l’autre, et qu’au contraire il l’augmenterait, et qu’il en rendrait la lecture plus agréable.

C’est ici le premier et le seul ouvrage où M. Bayle ait mis son nom. Ce n’était pas son dessein ; il avait dit en toutes rencontres, pendant le cours de l’impression, qu’il ne s’y nommerait point ; et il avoue, à la fin de sa préface, que ses amis s’étaient