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VIE DE M. BAYLE.

en même temps que, sachant par expérience les qualités que doit avoir une bonne table, il aurait bien pu en faire une, mais qu’il n’avait eu ni le temps ni la patience nécessaires à un travail si pénible, et si ennuyeux. Il ajoute qu’il n’avait pas même trouvé à propos que la personne dont on s’était servi s’engageât dans tous les détails que quelques lecteurs demandaient, et il en donne la raison.

Il parle ensuite de ceux qui pourraient se plaindre de ce que son Dictionnaire ne leur fournit pas en assez grande quantité les choses qui sont de leur goût. Il dit que c’est le sort inévitable des écrits qui contiennent un mélange de plusieurs choses, et où il règne une grande diversité. Il déclare que s’il a parlé d’une certaine famille plutôt que d’une autre qui n’était pas moins considérable, ou qui l’était encore plus, il l’a fait sans aucune acception de personnes, et uniquement parce qu’il avait des mémoires pour les unes et non pas pour les autres. Enfin, il répond à ceux qui avaient trouvé à redire qu’il eût donné si peu d’articles des fameux guerriers. Il dit que cela vient non-seulement de ce qu’il avait évité de se rencontrer avec les autres dictionnaires, mais surtout de ce qu’il n’était pas en état de faire ces articles tels qu’il les aurait voulus. Il en donne un exemple, en montrant sur quel plan il travaillerait à l’article du maréchal de Luxembourg s’il avait les secours et les lumières nécessaires pour le remplir.

Il accompagna cette édition de quatre éclaircissemens, pour satisfaire aux engagemens qu’il avait pris avec le consistoire de Rotterdam. Ils sont précédés d’une observation générale, où il rapporte les raisons qu’il avait de croire qu’on ne se scandaliserait pas de la liberté de philosopher dont il s’était servi quelquefois. Dans le premier éclaircissement, il se justifie sur ce qu’on le blâmait d’avoir dit qu’il y avait eu des athées de spéculation et des épicuriens qui avaient surpassé en bonnes mœurs les idolâtres ; et fait voir que la conduite de ces athées ne saurait porter aucun préjudice à la véritable religion, ni y donner aucune atteinte. Mais il promet de traiter plus amplement cette matière dans la suite de ses Pensées sur les Comètes. Le second éclaircissement regarde les objections des manichéens. Il le finit par ces six propositions, qui contiennent le précis de sa doctrine.

« I. Que c’est le propre des mystères évangéliques d’être exposés à des objections que la lumière naturelle ne peut éclaircir ;

» II. Que les incrédules ne peuvent tirer légitimement aucun avantage de ce que les maximes de philosophie ne fournissent point la solution des difficultés qu’ils proposent contre les mystères de l’Évangile ;

» III. Que les objections des manichéens sur l’origine du mal, et sur la prédestination, ne doivent pas être considérées en général en tant qu’elles