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DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

quelle manière je me suis conduit à l’égard du Dictionnaire de M. Moréri. I. Il y a beaucoup de sujets que j’ai passés sous silence, par la raison qu’ils se trouvent dans son dictionnaire avec assez d’étendue. II. Quand j’ai donné les mêmes articles que je voyais dans son ouvrage, j’ai été déterminé, ou parce qu’il en disait peu de chose, ou parce qu’ayant la vie de quelque personne illustre, je me trouvais en état de donner un narré complet, ou parce que de plusieurs choses détachées et assez curieuses je pouvais former un supplément raisonnable. Dans tous ces trois cas, j’ai soigneusement évité de me servir des mêmes faits dont il avait fait mention. Je n’ai pas pu le faire toujours aussi pleinement dans le second cas que dans les deux autres ; car en abrégeant une narration exacte de la vie d’un grand homme, il est nécessaire de donner par ordre la suite des actions, et de faire des articles bien liés et en quelque façon continus. Pourrait-on faire cela en ne disant absolument rien qui eût déjà été dit de cette personne ? Ainsi, dans un très-petit nombre d’articles de ce caractere, il sera possible d’avérer que le Dictionnaire de Moréri avait rapporté quelque chose qui se trouvera mêlé parmi plusieurs faits nouveaux que je raconte. Mais comme cela n’est arrivé que rarement, et que sur des points peu considérables, il n’eût pas été nécessaire d’en faire ici l’observation ; et je ne le fais que par une forte habitude d’éviter les propositions universelles, et d’avoir égard en certains cas aux exceptions les plus minces, outre qu’il y a des occasions où l’on ne saurait se trop prémunir contre la chicane. III. Si j’avance quelque fait qui ne me soit point connu par d’autres livres que par la compilation de M. Moréri, je la cite fort soigneusement. Je m’en défie beaucoup, et c’est pourquoi je n’ai rien voulu risquer sur une telle caution : je la mets à la brèche ; c’est à elle à essuyer les assauts. IV. Quand je ne cite point cet auteur, et que néanmoins je débite quelque chose qui se trouve dans son ouvrage, c’est une preuve certaine que je l’ai puisée à une autre source. Je pourrais jurer qu’il n’y a aucune parole ni syllabe qui lui ait été volée : je le cite toutes les fois que je lui emprunte le moindre mot, ce qui arrive très-rarement ; et jamais je ne m’abstiens de le citer que lorsque j’ai su les choses par des recherches aussi pénibles que s’il n’en eût point parlé. V. Je lui renvoie le lecteur à l’égard des faits tant soit peu considérables : il serait absurde de se servir de renvoi pour le jour de la naissance, pour le nom de la patrie, etc., car ce renvoi tiendrait plus de place dans une page que la chose renvoyée, et dépiterait très-justement tous les lecteurs. VI. Cette conduite n’est pas l’effet de la crainte de passer pour plagiaire. C’eût été une peur panique, une peur très-ridicule ; car personne jusqu’ici n’a poussé l’extravagance jusques à traiter de plagiaires ceux qui rapportent les événemens qu’un autre