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PRÉFACE

avait rapportés, mais qui les vont prendre à la source, et qui n’emploient ni le tour, ni l’ordre, ni les expressions d’un autre. Il n’y a point d’apparence qu’à l’avenir personne s’avise de définir si follement le plagiat. Une définition si absurde nous conduirait à ce dernier point de l’impertinence, c’est que le plus excellent historien qui entreprendrait d’écrire la vie de Charles-Quint serait nécessairement le plagiaire du plus misérable chroniqueur qui ait ramassé des rapsodies sur les actions de ce grand prince. VII. J’ai mis à part dans une remarque les erreurs que j’ai imputées à M. Moréri. VIII. Je n’ai point touché à celles qui se rencontrent dans les articles qu’il donne, et que je ne donne pas, quoiqu’elles ne soient pas moins considérables ni moins fréquentes dans ces articles que dans ceux que j’ai donnés. IX. Je me suis réglé à l’édition de Lyon 1688, qui est la cinquième et la dernière que l’on at donnée en France. Je n’ignore point que les éditions de Hollande sont beaucoup meilleures ; mais j’ai cru qu’il fallait proportionner mes corrections à celles-là, en faveur d’une infinité de gens qui ne se servent que des éditions de France, et qui encore aujourd’hui les recherchent et les achètent préférablement à la sixième et à la septième [1].

Il résulte de tout cela que mon Dictionnaire n’est point destiné à diminuer le débit de l’autre, et qu’au contraire il l’augmentera, et qu’il en rendra la lecture plus profitable.

En faveur de la jeunesse qui a besoin qu’on lui forme un peu le goût, et qu’on lui donne des idées de l’exactitude la plus scrupuleuse, j’ai relevé jusqu’aux plus petites fautes de M. Moréri, dans les matières que nous traitons lui et moi ; car pour ce qui est des fautes qui sont ailleurs, je les ai laissées en repos, comme je l’ai déjà dit. Je ne souhaite point que l’idée méprisante que cela pourra donner de son travail diminue la reconnaissance qui lui est due. J’entre dans les sentimens d’Horace à l’égard de ceux qui nous montrent le chemin [2] : les premiers auteurs des dictionnaires ont fait bien des fautes ; mais ils ont rendu de grands services, et ils ont mérité une gloire dont leurs successeurs ne doivent jamais les frustrer. M. Moréri a pris une grande peine, qui a servi de quelque chose à tout le monde, et qui a donné des instructions suffisantes à beaucoup de gens. Elle a répandu la lumière dans des lieux où d’autres livres ne l’auraient jamais portée et qui n’ont pas besoin d’une connaissance exacte des circonstances. Elle continue à la répandre de toutes parts, et avec plus de pureté, depuis les deux éditions de Hollande. Elles sont infiniment meilleures que celles

  1. Ce sont des catholiques passionnés, qui ont ouï dire que les éditions de Hollande ont souvent réprimé le zèle de M. Moréri.
  2. Hoc erat, experto frustrà Varrone Atacino,
    Atque quibusdam aliis, meliùs quod scribere possem,
    Inventore minor : neque ego illi detrahere ausim
    Hærentem capiti multâ cum laude coronam.
    Horat., sat. X, lib. I, vs. 46.