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VIE DE M. BAYLE.

Réponses aux Questions d’un provincial, par laquelle ces académies déclarent qu’elles n’y ont rien trouvé contre leurs sentimens, et particulièrement dans les articles et les chapitres concernant les manichéens et la prédestination. S’ils lui accordent cette approbation, ajoute-t-il, je dirai que j’ai eu tort de nier qu’il fût de leur sentiment.

M. Bayle répliqua dans un ouvrage intitulé : Entretiens de Maxime et de Thémiste : ou Réponse à ce que M. le Clerc a écrit dans son dixième tome de la Bibliothéque choisie contre M. Bayle [1]. Maxime et Thémiste examinent et critiquent tour à tour l’écrit de M. le Clerc. Ils s’attachent à justifier les principes de M. Bayle et à faire voir que M. le Clerc en a tiré de fausses conséquences. Ils se plaignent de ce qu’il a souvent déguisé l’état de la question, et passé sous silence ce qu’on lui avait opposé de plus fort et de plus convaincant. On voit par-là que cette dispute avait dégénéré en reproches d’auteur à auteur, et qu’elle était devenue en quelque manière personnelle. Ces reproches étaient accompagnés de plusieurs termes durs et outrageans. Un bel esprit d’Angleterre [2] disait qu’il ne devait pas y avoir plus d’aigreur dans un ouvrage de controverse que dans un billet doux. Cette maxime ne regarde pas moins les philosophes que les controversistes ; ou, pour mieux dire, tous les savans devraient être philosophes à cet égard. Mais lorsqu’un auteur voit qu’on attaque sa personne, son honneur et sa réputation, il lui est bien difficile de se retenir. Il se croit obligé de repousser ces outrages, et il lance à son tour des traits perçans contre son ennemi.

Les attaques qu’on livrait de tous côtés à M. Bayle redonnèrent du courage à M. Jurieu. Il crut que l’occasion était favorable et qu’il en devait profiter. Il publia un petit livre intitulé : Le Philosophe de Rotterdam accusé, atteint et convaincu [3]. Il y fait revenir ses anciennes accusations contre M. Bayle, quoiqu’on les eût réfutées d’une manière à le réduire au silence. Il donne de grands éloges à MM. Jaquelot et Bernard, qu’il avait persécutés comme suspects d’hérésie ; il en donne même à M. le Clerc, qu’il haïssait mortellement. Mais ces messieurs avaient écrit contre M. Bayle ; il les appelait en témoignage, et il ne voulait pas décrier ses témoins. Cependant il ne put s’empêcher de mêler quelque amertume à ses douceurs : il rappela malignement leurs anciennes disgrâces et leurs sentimens hétérodoxes. Mais il se servit d’un détour : il rapporta sous le nom de M. Bayle et de ses amis les raisons qu’on pouvait alléguer pour récuser ces trois témoins, au nombre desquels il se rangea lui-même. « Il est admirable, dit-il [4], et ses amis avec lui, dans les reproches qu’ils font contre ces

  1. À Rotterdam, chez Reinier Leers, MDCCVII.
  2. Le comte de Falkland, tué à la bataille de Newbury, le 30 de septembre 1643.
  3. Le titre porte qu’il est imprimé à Amsterdam, mais on n’y a pas marqué le nom du libraire.
  4. Le Philosophe de Rotterdam, etc., pag. 39, 40.