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VIE DE M. BAYLE.

tions qu’on intente à M. Bayle. Ils se réduiront à la question générale ; or, il est singulier que ses antagonistes ne s’attaquent qu’à lui là-dessus, puisqu’il est constant que presque tous les catholiques romains, et la plus grande partie des protestans soutiennent hautement la même chose (R). Pourquoi s’acharner sur lui seul, et le prendre à partie ? Pourquoi ne compter pour rien la foule des théologiens qui sont de son côté ? C’est là un des points principaux de la dispute entre lui et ses adversaires, et sur quoi pourtant ils ont très-peu insisté. Il semble que c’est à quoi ils devraient principalement s’attacher ; autrement on pourrait les soupçonner de songer moins à défendre la vérité qu’à se venger de M. Bayle. »

Il y avait plus de six mois que M. Bayle était incommodé d’une ardeur de poitrine qui l’affaiblissait sensiblement. Comme c’était un mal de famille, il le jugea mortel, et ses amis ne purent le faire consentir à prendre des remèdes. Il voyait approcher la mort sans la désirer ni la craindre. Il travaillait sans relâche, et avec la même tranquillité d’esprit que si la mort n’eût pas dû interrompre son travail. Dans la lettre de remercîment qu’il écrivit à milord Shaftsbury, il lui rendit compte de ses occupations et de sa maladie. « J’aurais cru, dit-il [1], qu’une querelle avec des théologiens me chagrinerait ; mais j’éprouve par expérience qu’elle me sert d’amusement, dans la solitude à quoi je me suis réduit. Car, comme mon mal est une affection de poitrine, rien ne m’incommode tant que de parler ; et c’est pourquoi je ne reçois ni ne fais aucune visite, mais je m’amuse à réfuter M. le Clerc et M. Jaquelot, que je trouve perpétuellement coupables de mauvaise foi. »

Sa réponse à M. le Clerc était déjà imprimée, aussi-bien que la meilleure partie de sa réplique à M. Jaquelot : il avait répondu à ce qu’il y avait d’essentiel dans le dernier livre que celui-ci avait publié, et il ne lui restait à faire que quelques remarques qu’il avait réservées pour la fin, lorsque la mort l’arrêta. Voici ce que M. Leers m’écrivit à ce sujet [2] : « M. Bayle est mort fort tranquillement, et sans qu’il y eût personne auprès de lui. La veille de sa mort, après avoir travaillé toute la journée, il donna de la copie de sa réponse à M. Jaquelot à mon correcteur, lui disant qu’il se trouvait très-mal. Le lendemain, à neuf heures du matin, son hôtesse entra dans sa chambre. Il lui demanda, mais en mourant, si son feu était fait, et mourut un moment après, sans que ni M. Basnage, ni moi, ni aucun de ses amis aient été présens. » Il mourut le 28 de décembre de l’année 1706, âgé de cinquante-neuf ans, un mois et dix jours.

  1. Lettre du 29 d’octobre 1506, p. 1124. Voyez aussi la lettre à mademoiselle Baricave, du 28 d’octobre 1706, p. 1122, 1123.
  2. Lettre de M. Leers, du 18 de janvier 1707.