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VIE DE M. BAYLE.

choses où vous avez grand intérêt, vous est si favorable qu’il y a tout sujet d’en espérer quelque chose de surnaturel.

 » Je ne m’expliquerai pas plus ouvertement sur ce sujet, parce que j’espère que vous ne me refuserez pas la grâce que je vous demande de me venir voir le plus tôt qu’il vous sera possible, et que dans l’entretien que j’aurai alors tête à tête avec vous ; nous aurons lieu d’en parler amplement. Venez donc, mon cher frère, s’il vous est possible, avant que cette semaine ne se passe ; venez satisfaire l’impatience d’un homme qui soupire pour l’amour de vous plus de quatre fois, et qui souhaite passionnément que vous vous mettiez aux termes d’être bienheureux. Vous ne vous repentirez pas sans doute d’être venu, tant ce que j’ai à vous dire est de nature à contenter une âme solidement raisonnable comme est la vôtre.

 » Et certainement je vous ferais tort si je croyais que vous fussiez malade d’une manière incurable, et jusqu’au point de ne trouver rien de bon dès là qu’il n’est pas conforme à votre sentiment. J’ai meilleure opinion de vous ; et ceux qui vous connaissent ne font nulle difficulté de croire qu’avec la bonté de votre naturel et la probité dont vous faites profession, il n’est point de proposition raisonnable que l’on ne puisse vous faire goûter, quoique vous n’y soyez point accoutumé et quoique vous ayez une nuée de préjugés pour le contraire. Sur ce fondement, je m’assure que ce que j’ai à vous dire ne vous déplaira pas, et ne vous effarouchera pas si fort que vous soyez capable de fermer tout-à-fait l’oreille à quiconque vous en voudrait parler.

 » Si je m’étais adressé à beaucoup de gens qu’il y a, pour leur faire la même prière que je vous fais de me donner quelque audience, il pourrait bien être qu’ils me tiendraient d’abord pour suspect, se défieraient de moi et condamneraient tout ce que je serais capable de leur dire : mais pour vous, je vous crois incapable de me condamner avant que de m’avoir entendu, et, ne fût-ce que par curiosité, il me semble que vous voudrez savoir ce que ce peut être, et que vous suspendrez votre jugement jusques à ce que vous l’ayez appris ; en quoi je ne puis remarquer dans votre esprit qu’une disposition à bien faire.

 » Il ne me resterait pour asseoir quelque bonne espérance, qu’à vous croire bien résolu de former ce jugement qui est fondé sur une vérité que l’expérience de tous les siècles confirme d’une manière incontestable, qu’en fait de religion toutes les innovations sont très-pernicieuses, et qu’un particulier qui se veut ériger de son autorité privée en réformateur ne peut, passer que pour un factieux, un schismatique, un semeur de zizanie et une tête animée