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VIE DE M. BAYLE.

résolution de l’envoyer à M. Paets son parent, l’un des conseillers de la ville de Rotterdam, très-savant et qui favorisait les gens de lettres. On lui fit connaître, en lui envoyant cet arrêt, que M. Bayle était sans emploi ; on dit beaucoup de bien de lui, et on reçut une réponse qui témoignait une grande inclination à lui rendre service, M. Bayle écrivit là-dessus à M. Paets pour le remercier des sentimens favorables qu’il avait pour lui, et pour lui demander la continuation de sa bienveillance. M. Paets joignait à beaucoup d’esprit et de pénétration un grand amour pour les sciences, et particulièrement pour la philosophie. Son mérite lui avait acquis une grande autorité ; il en aurait eu davantage sans les divisions qui régnaient dans la république. On le regardait comme le chef du parti opposé à la maison d’Orange [1], et de là vient qu’il trouva quelque difficulté à rentrer dans la magistrature après son ambassade extraordinaire en Espagne [2]. Cependant il triompha de la jalousie, et la déférence que les magistrats de Rotterdam avaient pour ses conseils réglait toutes leurs délibérations.

1682.

M. Bayle songea en même temps à procurer à M. Jurieu un établissement à Rotterdam, et engagea M. Van Zoelen à lui rendre ses bons offices auprès de M. Paets. M. Van Zoelen partit de Sedan pour aller en personne solliciter à Rotterdam, et il parla si fortement à M. Paets, qu’il voulut bien s’employer pour M. Jurieu [3].

M. Bayle resta six ou sept semaines à Sedan, après la suppression de l’académie, en attendant des réponses de Hollande. Mais enfin, ennuyé de n’en pas recevoir, il quitta Sedan le 2 de septembre, et arriva à Paris le 7 du même mois, sans savoir encore s’il irait à Rotterdam ou en Angleterre, ou s’il s’arrêterait en France [4]. Avant qu’il partît, M. le comte de Guiscard fit tous ses efforts pour le porter à embrasser la religion romaine. Il lui proposa de grands avantages, mais qui ne furent pas capables de le tenter [5]. Enfin, il était prêt à aller à Rouen, et à passer de là en Angleterre, lorsqu’il reçut la réponse de M. Paets, qui marquait que la ville de Rotterdam lui donnait une pension, avec le droit d’enseigner la philosophie. M. Paets ajoutait que l’affaire de M. Jurieu était en bon train. Ainsi il quitta Paris le 8 d’octobre, et le 30 il arriva à Rotterdam, où il fut reçu très-gracieusement par la famille de M. Van Zoelen et par M. Paets [6].

M. Jurieu suivit de près M. Bayle ; mais à peine fut-il à Rotterdam qu’il lui échappa des brusqueries qui indignèrent fort contre lui M. Paets, et qu’on ne lui pardonna qu’en considération

  1. Il était beau-frère de M. Corneille de Wit.
  2. Voyez la Gazette de Londres, du 4 octobre 1677, à l’article de la Haye du 8 octobre.
  3. Chimère démontrée, préface, p. clxiij et suiv,
  4. Ibid, p. clxviij ; et lettre à M. Minutoli, du 17 de septembre 1681, p. 172.
  5. Cabale chimérique, p. 290.
  6. Chimère démontrée, pref., pag. clxix.