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VIE DE M. BAYLE.

part. Il n’affecta pas alors la brièveté ; il s’étendit à son aise sur chaque chose ; mais néanmoins il ne perdit pas de vue M. de Visé, auteur du Mercure galant. Il prit la résolution de lui envoyer sa lettre et de le prier de la donner à son imprimeur, et d’obtenir ou la permission de M. de la Reynie, lieutenant-général de police, si elle suffisait ; ou le privilége du roi, s’il en fallait venir là. Il la lui envoya le 27 de mai. M. de Visé garda quelque temps son manuscrit sans savoir le nom de l’auteur ; et, quand on fut lui en demander des nouvelles, il répondit qu’il savait d’une personne à qui il l’avait donné à lire, que M. de la Reynie ne rendrait jamais sur soi les suites de cette affaire, et qu’il fallait recourir à l’approbation des docteurs avant que de pouvoir solliciter un privilége du roi, détail pénible, long et ennuyeux, où il n’avait pas le loisir de s’engager. On retira le manuscrit, et M. Bayle ne songea plus à faire imprimer à Paris sa lettre sur les comètes. Cependant comme il l’avait composée dans cette vue, il avait pris le style d’un catholique romain, et imité le langage et les éloges de M. de Visé sur les affaires d’état. Cette conduite était absolument nécessaire à quiconque se voulait faire imprimer à Paris, et il crut que l’imitation du Mercure galant en certaines choses ferait qu’il serait plus facile d’obtenir ou la permission de M. de Reynie, ou le privilége du roi. C’est aussi ce qui l’obligea de feindre que sa lettre avait été écrite à un docteur de Sorbonne.

Les réformés de France se trouvaient alors dans une triste situation. Il y avait long-temps qu’on travaillait à leur ruine. On les dépouillait peu à peu de leurs priviléges, et il ne se passait point d’année qu’on ne fît quelque infraction à l’édit de Nantes. Enfin on résolut de supprimer leurs académies. Il y avait lieu de croire que celle de Sedan serait épargnée. La principauté de Sedan avait été un état souverain jusques en l’année 1642. Le duc de Bouillon la céda à Louis XIII, qui promit de laisser les choses dans l’état où il les trouvait. Louis XIV ratifia le traité où il fut accordé de nouveau que la religion protestante y serait maintenue avec tous les droits et priviléges dont elle se trouvait en possession. Mais tous ces avantages ne purent sauver l’académie. Louis XIV ordonna même qu’elle fût cassée la première. L’arrêt fut rendu le 9 juillet 1681, et signifié le 14 du même mois.

Dans ce temps-là il y avait à Sedan un jeune homme de Rotterdam nommé M. Van Zoelen, parent de M. Van Zoelen qui a été ensuite bourgmestre dans la même ville. Ce jeune homme [1] avait logé à Sedan avec M. Bayle, et s’était fortifié dans ses études par de fréquentes conversations avec lui. Il avait conçu pour ce professeur une amitié fort étroite ; de sorte que le jour même que l’arrêt qui supprima l’académie fut venu, il prit la

  1. Chimère de la cabale de Rotterdam démontrée, pref., p. clxij, clxiij.