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VIE DE M. BAYLE.

ter sans son essence ; mais qu’il y est seulement en figure, c’est-à-dire en pure imagination et pensée, ou en appréhension imaginaire, qui le fait croire présent où il n’est pas : » et dans la seconde il prouve « qu’en établissant, comme fait Descartes, qu’il n’y a rien dans la substance que la substance même, et que les qualités et les accidens que l’on y conçoit ne sont que de simples apparences qui abusent nos sens, et leur font accroire qu’il y a quelque chose de réel en la substance, qui n’y est pas effectivement, mais qui est seulement en notre pensée, on détruit la doctrine de l’église qui enseigne que dans l’eucharistie la substance du pain et du vin étant détruite et toute changée au corps et au sang de Jésus-Christ, les accidens qui étaient en elle restent encore, ce qui suppose nécessairement que ces accidens sont réellement distincts de la substance et peuvent subsister sans elle. » Ce livre n’est guère connu ; M. Bayle n’en dit rien, peut-être parce qu’il ne le connaissait pas, et je n’en parle ici que par le rapport qu’il a au recueil que M. Bayle avait fait imprimer.

La manière de faire savoir au public, par une espèce de journal, ce qui se passe dans la république des lettres, est une des plus belles entreprises du dernier siècle. La gloire en est due à M. de Sallo, conseiller ecclésiastique au parlement de Paris, qui fit paraître le Journal des Savans l’an 1665. On reçut partout cet ouvrage avec applaudissement ; on l’imita en Italie et en Allemagne. M. Bayle était surpris de voir qu’en Hollande, où il y avait tant d’habiles gens, tant de libraires, et une si grande liberté d’imprimer, on ne se fût pas encore avisé de donner un journal de littérature. Il avait été tenté plusieurs fois de le faire ; mais considérant qu’un ouvrage de ce genre demandait beaucoup de temps et d’application, il s’en était abstenu. Cependant on vit paraître vers la fin du mois de février 1684 un journal imprimé à Amsterdam cher le sieur Henry Desbordes, sous le titre de Mercure savant du mois de janv. 1684. C’était une entreprise du sieur de Blegny, chirurgien de Paris, homme fertile en projets. En voici quelques exemples. Voyant qu’on tenait des conférences sur la philosophie et sur d’autres sciences, il se mit aussi sur le pied d’en tenir, et érigea chez lui une académie des nouvelles découvertes. Il donnait des leçons particulières aux garçons chirurgiens sous le nom de Cours de chirurgie, et aux garçons apothicaires sous le nom de Cours de pharmacie : il s’avisa même de faire un Cours de perruque pour les garçons perruquiers. On y était reçu moyennant une certaine somme, d’argent. Il se mêlait aussi de médecine, et vint jusqu’à prendre les qualités de « conseiller, médecin artiste ordinaire du Roi et de Monsieur, et préposé par ordre de sa Majesté à la recherche et vérification des nouvelles découvertes de médecine. » En 1679 il entreprit