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ANITA

Malgré tout, j’espérais toujours, et mon attente ne fut pas de longue durée.

Soudain un bruit lointain de voix animées parvint à mes oreilles et mes gardes firent une halte spontanée. Ils se consultèrent à voix basse et l’un d’eux se tournant vers moi :

— Je vous avertis, dit-il, qu’au premier mouvement suspect de votre part, je vous brûle la cervelle.

Mouvement suspect ! J’aurais bien voulu pouvoir en faire de ces mouvements-là, entortillé comme je l’étais par un lasso en cuir qui me mordait dans les chairs.

J’aurais pu crier ; mais mes diables de Chinacos ne m’en laissèrent pas la chance. On me baillonna précipitamment, en m’étouffant sous les plis d’un mauvais foulard qu’on avait oublié de me confisquer, lors de ma capture sur la route de Salinas.

Je m’aperçus que mes deux juaristes auraient voulu se voir à cent pieds sous terre, quoiqu’ils ne fussent pas encore certains de la nature des bruits qui nous arrivaient de plus en plus distincts.

Pour moi, je n’avais qu’à faire le mort, — et à me résigner, impatiemment si vous le voulez, mais c’est à peu près tout ce que je pouvais faire dans des circonstances aussi peu rassurantes. En