Cent fois je t’ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.
FIGARO.
Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir, on se presse,
on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est
écrasé. Aussi, c’est fait ; pour moi j’y renonce.
LE COMTE.
À la fortune ? (à part) Voici du neuf.
FIGARO.
(à part) À mon tour maintenant. (haut) Votre Excellence m’a gratifié
de la conciergerie du château ; c’est un fort joli sort : à la vérité je
ne serai pas le courtier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais en
revanche, heureux avec ma femme au fond de l’Andalousie…
LE COMTE.
Qui t’empêcherait de l’emmener à Londres ?
FIGARO.
Il faudrait la quitter si souvent, que j’aurais bientôt du mariage
par-dessus la tête.
LE COMTE.
Avec du caractère et de l’esprit, tu pourrais un jour t’avancer dans les
bureaux.
FIGARO.
De l’esprit pour s’avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et
rampant ; et l’on arrive à tout.
LE COMTE.
…Il ne faudrait qu’étudier un peu sous moi la politique.
FIGARO.
Je la sais.
LE COMTE.
Comme l’anglais, le fond de la langue !
Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/275
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée