Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/276

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FIGARO.

Oui, s’il y avait de quoi se vanter. Mais feindre d’ignorer ce qu’on
sait, de savoir tout ce qu’on ignore ; d’entendre ce qu’on ne comprend
pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses
forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu’il n’y en a point ;
s’enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n’est,
comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ;
répandre des espions et pensionner des traîtres ; amolir des cachets ;
intercepter des lettres ; et tâcher d’anoblir la pauvreté des moyens par
l’importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !

LE COMTE.

Eh ! c’est l’intrigue que tu définis !

FIGARO.

La politique, l’intrigue, volontiers ; mais comme je les crois un peu
germaines, en fasse qui voudra. J’aime mieux ma mie au gué, comme dit
la chanson du bon roi.

LE COMTE à part.

Il veut rester. J’entends… Suzanne m’a trahi.

FIGARO à part.

Je l’enfile, et le paye en sa monnaie.

LE COMTE.

Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?

FIGARO.

Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand votre
Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes ?

LE COMTE raillant.

Au tribunal, le magistrat s’oublie, et ne voit plus que l’ordonnance.

FIGARO.

Indulgente