Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/317

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ASTASIE.

Un muet !

SPINETTE.

Un muet !

ASTASIE.

J’expire !

CALPIGI. L’ordre est que chacun se retire.

SPINETTE.

Moi ?

CALPIGI.

Vous.

SPINETTE.

Moi ?

CALPIGI.

Vous ; vous, Spinette ; il y va des jours
De qui troublerait leurs amours.

ASTASIE.

juste ciel !

SPINETTE, raillant.

Dis à ton maître
Que le grand prêtre
Sera sans doute assez surpris
Qu’à la pluralité des femmes
On ose ajouter, chez les brames,
La pluralité des maris.

CALPIGI, ironiquement.

Votre conseil au roi paraîtra d’un grand prix.
J’en ferai votre cour.

SPINETTE, du même ton.

Vous l’oublierez peut-être.

CALPIGI.

Non.

SPINETTE.

Vous le rendrez mieux, l’ayant deux fois appris.

(Elle répète :)

Dis à ton maître
Que le grand prêtre
Sera sans doute assez surpris
Qu’à la pluralité des femmes
On ose ajouter, chez les brames,
La pluralité des maris.

(Calpigi sort en lui faisant le signe impérieux de se retirer)

SCÈNE III ASTASIE, SPINETTE.

ASTASIE, au désespoir.

Ô ma compagne ! ô mon amie !
Sauve-moi de cette infamie.

SPINETTE.

Hé ! comment vous prouver ma foi ?

ASTASIE.

Prends mes diamants, ma parure :
Je te les donne, ils sont à toi.

(Elle les détache.)

Ah ! dans cette horrible aventure
Sois Irza, représente-moi ;
Tu le réprimeras sans peine.

SPINETTE. Si c’esl Calpigi qui ramène, Madame, ilme reconnaîtra. astasie oie son manteau royal. Ce long manteau te couvrira. Souviens-toi de Tarare, et nomme-le sans cesse : Son nom seul te garantira. SPINETTE, pendant qu’on l’habillé. Je partage votre détresse. Hélas ! que ne ferais-je pas Pour sauver d’un dangereux pas Mon incomparable maîtresse ! (Astasie sort précipitamment.) SCÈNE IV SPINETTE, seule. Spinette, allons, point de faiblesse ! Le roi dans peu te saura gré D’avoir adroitement paré Le coup qu’il porte à sa maîtresse. (Elle s’assied sur un sofa.) Surcroit d’honneur et de richesse ! SCÈNE V CALPIGI, TARARE en muet , SPINETTE, assise, voilée, son mouchoir sur les yeux. CALPIGI n Tarare, d’un ton Sévère. Cette femme est à toi, muet ! (Il sort.) SCÈNE VI TARARE, SPINETTE. SPINETTE, à part, voilée. Comme il est laid !... Cependant il n’est point mal l’ait. (Tarare se met û genoux à six pas d’elle.) Il se prosterne ! Il n’a point l’air farouche Des autres monstres de ces lieux (A Tarare, d’un air de dignité.) Muet, votre respect me touche ; Je lis votre amour dans vos yeux : Un tendre aveu de votre bouche Ne pourrait me l’exprimer mieux. TARARE, à part, se relevant. Grands dieux ! ce n’est point Astasie, Et mon cœur allait s’exhaler ! De m’ètre abstenu de parler, O Brama ! je te remercie. SPINETTE, à part. On croirait qu’il se parle bas.