Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/318

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Chaque animal a son langage.

(Elle se dévoile ; Tarare la regarde.)

De loin, je le veux bien, contemplez mes appas.
Je voudrais pouvoir davantage :
Mais un monarque, un calife, un sultan,
Le plus parfait, comme le plus puissant.
Ne peut rien sur mon cœur ; il est tout à Tarare.

TARARE s’écrie.

À Tarare !…

SPINETTE, se levant. Il me parle !

TARARE. Ô transport qui m’égare ! Étonnement trop indiscret !

SPINETTE. Un mot a trahi ton secret ! Tu n’es pas muet, téméraire ! (Elle lui enlève son masque.)

TARARE, à ses pieds. Madame, hélas ! calmez une juste colère !

SPINETTE, d’un ton plus doux. Imprudent ! quel espoir a pu te faire oser…

tarare, timidement. Ah ! c’est en m’accusant que je dois m’excuser. Étranger dans Ormus, hier on me vint dire Que le maître de cet empire Donnait à son amante une fête au sérail… J’ai cru, sous ce vil attirail…

SPINETTE, légèrement. (Duo dialogué.) Ami. ton courage m’éclaire. Si tarare aimait à me plaire, Il eût tout bravé comme toi. J’oublierai qu’il obtint ma foi : C’en est fait, mon cœur te préfère ; Tu seras Tarare pour moi.

TARARE, troublé. Quoi ! Tarare obtint votre foi !

SPINETTE. C’en est fait, mon cœur te préfère.

TARARE. C’est moi que votre cœur préfère ?

SPINETTE. Tu seras Tarare pour moi.

TARARE, plus troublé. Est-ce un songe, ô Brama ? veillé-je ? Tout ce que j’entends me confond. Atar, toi que la haine assiége, M’as-tu conduit de piége en piége Dans un abîme aussi profond ?

SPINETTE. Ce n’est point un piége, non, non : De son pardon Je te répond. (Elle voit entrer des soldats.) Ciel ! on vient l’arrêter !

TARARE. Tout espoir m’abandonne. (Elle se voile, et rentre précipitamment.)

SCÈNE VII TARARE, démasqué, URSON, soldats armés de massues, CALPIGI, EUNUQUES, entrant de l’autre côté.

URSON. Marchez, soldats, Doublez le pas !

CALPIGI. Quoi ! des soldats ! N’avancez pas.

URSON, aux soldats. Suivez l’ordre que je vous donne.

CALPIGI, aux eunuques. Ne laissez avancer personne.

CHŒUR DE SOLDATS. Doublons le pas ! chœur d’eunuques. N’avancez pas ! Pour tous cette enceinte est sacrée.

CHŒUR DE SOLDATS. Notre ordre est d’en forcer l’entrée.

CALPIGI. Urson, expliquez-vous.

URSON. Le sultan agité, Sur l’effet d’un courroux qu’il a trop écouté, Veut que l’affreux muet soit massolé, jeté Dans la nier, et, pour sépulture, Y serve aux monstres de pâture.

CALPIGI se met entre eux et Tarare. Le voici : de sa mort, Urson, je prends le soin. Les jardins du sérail sont commis à ma garde ; Mes eunuques sont prêts.

URSON. Pour que rien ne retarde, Son ordre est que j’en sois témoin. Marchez, soldats, qu’on s’en empare ! (Les soldats lèvent la massue.)

UN SOLDAT, s’avançant.

Ce n’est point un muet.

URSON.

Quel qu’il soit !

TARARE, se retournant vers eux.

C’est Tarare !

URSON. Tarare !… (Les soldats et les eunuques reculent par respect.)

CHŒUR DE SOLDATS ET D’EUNUQUES.

Tarare ! Tarare !

CALPIGI.

Un tel coupable, Urson, devient trop important